29 sept. 2009

Préparation au départ…

Alors ça y est, ma date de départ est fixée, ce sera le 18 octobre. Un vol de Paris pour la Tasmanie via Hong Kong et Sidney, puis 10 jours de bateau, et sans doute mon baptême d’hélicoptère. En effet, le bateau que nous empruntons, l’Astrolabe, effectue chaque année 5 rotations : la première fin octobre (R0), la dernière fin février (R4). Le trajet dure en général 5 jours, mais lors de R0 la banquise n’est pas entièrement fondue, et le bateau avance dans le pack, entre les blocs de glace. Le trajet est donc plus long, mais grandiose. La plupart du temps l’Astrolabe ne peut pas atteindre la base car il ne s’agit pas d’un brise-glace, et les derniers kilomètres s’effectuent en hélicoptère (chouette !). Le voyage est réputé pour être particulièrement agité, avec mal de mer quasi garanti (moins chouette)…



Grâce à ces 5 rotations, nous pourrons recevoir du courrier, alors n’hésitez pas à envoyer un petit mot, je vous répondrai avec un timbre des TAAF (et le tampon personnalisé de mon programme, comme le veut la coutume), très prisé des philatélistes :)! Les derniers courriers doivent partir de Paris avant le 27 janvier, sinon ils n’arriveront que fin octobre 2010, alors… pas de fromage svp ;)! Mon adresse sera la suivante (tarif TOM, en mentionnant « par avion ») :

Mlle Marion DEBIN
STATION DUMONT D'URVILLE
District de Terre Adélie
TERRITOIRES DES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANCAISES
VIA ORLY C.T.C OM

Durant ces derniers mois, les préparatifs m’ont bien occupé : un voyage avant le voyage… De mai à juin, ce fut la paperasse, entre les vaccins à faire, le changement de sécurité sociale, l’attestation du dentiste, les procurations et engagements à signer, les renseignements à fournir pour le dossier… En juillet-août j’ai commencé à m’intéresser à mes bagages et aux achats à effectuer. Acheter des habits chauds en pleine canicule n’a pas été chose facile, heureusement que l’on peut toujours compter sur le Vieux Campeur ! Les réactions des vendeurs valaient parfois le détour… Il y eut le bijoutier, qui ne comprenait pas que je veuille acheter une pile de rechange pour ma montre alors qu’elle fonctionnait encore… « En Antarctique, il y a bien des magasins quand-même ? Non ? Mais alors… où les voitures prennent donc de l’essence ? » Après une petite remise à niveau géographique, question subsidiaire : « Mais, s’il n’y a aucun magasin… Vous mangez quand-même pendant un an ? ». Il y eut aussi la banquière, voulant à tout prix me faire souscrire l’option internationale : « Quand-même, réfléchissez bien, c’est 0 euro de frais de retrait partout dans le monde, ça vaut le coup ! ». Après un nouveau briefing, tout n'est pas clair : « Mais vous m’avez dit que vous étiez en déplacement professionnel la semaine dernière… C’était en Antarctique ?» (sic). Le vendeur du Vieux Campeur, qui a déjà tout vu et que rien ne surprend : « Un masque à visière blanche ? Ah, c’est pour l’Antarctique ? Alors je vous conseille ce modèle, c’est ce qu’ont pris mes derniers clients qui partaient là-bas ! » (là ce fut presque vexant :)). Le pharmacien, à deux doigts de penser que je suis hypocondriaque (« Tout ça comme médicaments ? ») et que j’ai des actions chez Eau d’Avène (« Heu, vous aimez vraiment beaucoup cette marque visiblement ! »). La caissière de Carrefour, un peu surprise du contenu de mon caddie (un an de gel douche, shampooing et autres produits d’hygiène…) : « Ah ben vous faites des réserves vous ! ». Bref, mon discours est maintenant rôdé, et peu à peu épuré : « L’Antarctique, c’est le pôle sud, il n’y a pas d’habitant, pas d’ours polaire, des manchots et pas de pingouins ! ». Et puis quand je ne veux pas y passer l’après-midi, je dis uniquement que je pars loin et longtemps, et les gens s’imaginent ce qu’ils veulent.

J’ai également commencé cet été quelques démarches administratives du type procuration à la poste, à la banque, pour les élections de printemps 2010, résiliation des contrats de téléphone, de la carte bleue (eh non, je n’ai pas pris l’option internationale !), de la mutuelle… Avec l’impression d’être un peu schizophrène, partagée entre un boulot passionnant la journée, et les préparatifs les soirs et week-ends. Enfin, ça ne m’a quand-même pas empêché de partir 3 semaines en vacances en Asie, pour voir les copains et faire le plein de vitamine D avant le départ !

Fin août, j’ai quitté Lyon pour quelques semaines de formation au CNRS de Strasbourg, passant sans transition des abeilles aux manchots (le seul point commun que j’ai trouvé étant leur côté médiatique…). L’occasion de rencontrer l’équipe du projet sur lequel je vais travailler, ainsi qu’une ancienne hivernante, et de me familiariser à l’utilisation du matériel et aux protocoles. Accessoirement aussi de découvrir une ville magnifique !

L’IPEV a également organisé un séminaire d’une semaine près de Brest, ce qui m’a permis de rencontrer mes futurs co-hivernants, qui ont l’air plutôt sympa. Au programme : conférences sur les programmes scientifiques, le traité de l’Antarctique, généralités sur les TAAF, consignes concernant la sécurité, la gestion des déchets… Le tout agrémenté de repas festifs, ça s’annonce plutôt bien ! A la fin de la semaine nous étions tous plus impatients de partir que jamais !

Concernant les bagages, nous avions la possibilité d’envoyer 3 cantines métalliques d’au maximum 40 kg chacune. 120 kg, cela paraît beaucoup, mais il faut savoir que ma grande cantine métallique, vide, pesait déjà 13 kg ! Alors après, cela va vite… Il faut prévoir tous les produits d’hygiène pour un an, quelques vêtements (l’IPEV nous fournit une dotation, mais qui n’est pas totalement suffisante), de quoi s’occuper et se détendre (cerf-volant de traction, balles de jonglage, livres, harmonica, partitions de piano…), quelques spécialités culinaires appréciables en hiver (bon vin, chocolat, foie gras, pâté, bon café et rhum arrangé réunionnais bien sûr !), des pièces de rechange électroniques (disque dur d’ordinateur, disques durs externes avec films et musique, cartes mémoires et batteries de rechange, montre de rechange, piles rechargeables…), du matériel photo (objectifs, pied, filtres, flash…), de randonnée (thermos, sac à dos, raquettes, guêtres, chaufferettes…), de quoi partir en vacances à la fin de la mission (guides Tasmanie-Australie-Nouvelle Zélande, ne perdons pas le nord !), mes cadeaux de Noël/anniversaire à ne pas ouvrir avant l’heure :), de quoi décorer ma chambre (photos, tentures)... Et tout un tas de choses futiles qui là-tout de suite-maintenant semblent indispensables, mais dont je pourrai certainement très bien me passer.

Mes malles sont donc maintenant dans le bateau pour la Tasmanie, et arriveront sur R1, voire R2, donc quelques semaines ou mois après moi. J’avoue être contente d’en être débarrassée, j’ai trouvé cette phase un brin stressante. Maintenant que (presque) tout est prêt, il me tarde de découvrir enfin ce dont, entre anciens et futurs hivernants, nous ne cessons de parler depuis plusieurs semaines.

14 sept. 2009

Les TAAF, kézako ?

Tout le monde connaît l’existence de territoires français situés en dehors de la métropole. Guadeloupe, Martinique, Guyane et Réunion ont un statut de département-région d’outre-mer (en général appelés DOM). D’autres territoires sont des collectivités d’outre-mer, l’appellation « territoire d’outre-mer » ayant disparue en 2003 : Polynésie française (pays d’outre-mer), Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna (qui garde dans les faits l’appellation territoire d’outre-mer), Mayotte (collectivité départementale d’outre-mer, DOM en 2011), Saint-Martin et Saint-Barthélemy. La Nouvelle-Calédonie a un statut à part. Voilà pour «l’outre-mer» habitée, qui rassemblait tout de même un peu plus de 2.6 millions d’habitants début 2009. On a un peu tendance à oublier ces morceaux de France et à ne parler d’eux qu’à l’occasion des grèves et catastrophes naturelles.



Mais la France possède également des territoires inhabités, dont beaucoup ignorent l’existence. Ainsi Clipperton, «île de la Passion», est le plus petit territoire que possède la France, au large du Mexique. Cet atoll corallien serait l’atoll le plus isolé au monde. Nous avons ensuite les Terres australes et antarctiques françaises, couramment appelées TAAF, qui sont juridiquement territoire d’outre-mer à statut particulier. Elles sont régies par un préfet et disposent d’une administration propre, basée à Saint-Pierre, à la Réunion (là où je résidais, comme quoi le hasard fait bien les choses…). Cinq districts composent les TAAF :

- Saint-Paul et Amsterdam (66 km²), Crozet (352 km²) et Kerguelen (7215 km²) sont des îles subantarctiques, situées dans une zone comprise entre l'île de la Réunion, l'Australie et l'Antarctique, aux alentours du 40e parallèle. Saint-Paul et Amsterdam sont les îles les plus isolées au monde, et Kerguelen est le plus grand archipel austral français (de superficie équivalente à celle de la Corse). Ces îles abritent une flore peu diversifiée, mais une faune riche : mammifères (éléphants de mer, otaries, cétacés), oiseaux (4 espèces de manchots, albatros, pétrels, cormorans…), poissons.

- La Terre Adélie, une portion de l’Antarctique. Son statut est un peu particulier car la souveraineté française est limitée par le traité sur l’Antarctique (Traité international de Washington de 1959), qui gèle toutes les revendications territoriales et affirme la liberté de la recherche scientifique sur tout le continent. Ce traité a été complété en 1991 par le Protocole de Madrid sur la protection de l’environnement, qui fait de ce continent "une réserve naturelle consacrée à la paix et à la science".

- Les îles éparses, depuis 2007. Six îles les composent : Bassas da India (1 km²), Europa (28 km²), Juan de Nova (4.4 km²), Tromelin (1 km²), île Grande Glorieuse et île du Lys (îles Glorieuses, 5 km²). Elles sont situées dans le canal du Mozambique, c’est-à-dire entre Madagascar et l’Afrique, à l’exception de Tromelin, située à l’est de Madagascar.

Les TAAF (sans la Terre Adélie) procurent à la France une Zone Economique Exclusive (ZEE) de plus de 2 500 000 de km² riches en ressources marines. Depuis octobre 2006, une réserve naturelle a été créée, couvrant une superficie d’environ 700 000 hectares dans les îles subantarctiques. Cette réserve est de très loin la plus grande de France.



La plupart des districts des TAAF possèdent une base française permettant des activités de recherche, coordonnées par l’Institut Paul Emile Victor (IPEV, également appelé institut polaire français) : base Concordia (franco-italienne) et Dumont d’Urville (DDU, où je serai) en Terre Adélie, Martin-de-Viviès à Amsterdam, Alfred Faure à Crozet, Port-aux-Français à Kerguelen. C’est dans ce contexte que tous les ans sont recrutés techniciens confirmés (cuisiniers, mécaniciens, plombiers…) et jeunes diplômés (dans le cadre du Volontariat Civil à l’Aide Technique ou VCAT), pour participer au fonctionnement des bases et activités de recherche durant environ un an. Divers chercheurs et techniciens se rendent également sur place quelques mois pendant l’été austral.

Voilà pour le contexte, j’aurais évidemment l’occasion de revenir sur les caractéristiques de la Terre Adélie et plus généralement du continent Antarctique…

Pour le moment je termine mes cantines, qui partent cette semaine. Un sacré casse-tête que de tout prévoir pour 1,5 an ! Cette semaine je vais également avoir l’occasion de rencontrer les futurs VCAT de l’ensemble des TAAF, notamment de DDU, lors d’un séminaire à l’IPEV, en Bretagne (maintenant vous connaissez tous les acronymes …:) ).

Sources : Wikipédia (cartes et chiffres), www.taaf.fr, www.institut-polaire.fr

2 sept. 2009

Petit retour sur 6 mois d’incertitudes…

Nous sommes en janvier 2009. Je travaille à la Réunion depuis un peu moins d’un an. Entre un boulot intéressant, les amis, les possibilités sportives offertes par la mer et la montagne, le climat tropical et la situation privilégiée de l’île, la vie n’est pas loin d’être parfaite. Mais je n’ai accepté mon emploi que parce qu’il me permettait d’être libre début 2009 et de mettre tout en œuvre pour partir dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF), un rêve de longue date. Dès l’ouverture des postes, je postule donc auprès de l’Institut Paul Emile Victor et des différents laboratoires responsables de projets pour plusieurs postes de biologistes ou vétérinaires, situés dans différents districts des TAAF. Lettres de motivations, CV, dossiers de candidatures…

Février. Mon dossier est présélectionné par un labo proposant 2 postes, et après des échanges téléphoniques, rendez-vous est pris pour un entretien en métropole début mars. Mi février, je quitte comme convenu mon emploi réunionnais, pour rejoindre la métropole après quelques vacances dans l’Océan Indien. Aussitôt rentrée, je débute un CDD d’épidémiologiste de 5 mois à Lyon, ce qui me permettra d’être disponible en septembre, dans l’éventualité où je serai acceptée dans les TAAF.

Mars. Entretien à Strasbourg, suivi de la réponse quelques jours plus tard. Je fais partie des deux personnes retenues (sous réserve de passer avec succès les tests médico-psychologiques), mais ne connais pas encore mon affectation : Terre-Adélie ou archipel de Crozet. Celle-ci dépendra des préférences personnelles, de celles du labo et des résultats des tests, ceux de la Terre-Adélie étant plus restrictifs (l’isolement est plus grand).

Avril. Tests médicaux et psychologiques d’une journée à Paris, afin de vérifier que je suis apte à vivre loin de réelles structures médicales pendant un an, et capable de vivre isolée en communauté. En effet, en hiver la base et ses 25 hivernants sont coupés du reste du monde pendant 8 mois. Radio des poumons, ECG, panoramique dentaire, entretien avec un psy, questionnaires étranges… Forcément, la loi de Murphy aidant, je suis ce jour là malade !

Mai. Le labo m’apprend que mes tests sont concluants, mais je ne connais toujours pas mon district. J’ai une préférence pour Crozet, mais l’Antarctique m’attire également énormément. Je suis si heureuse que ce « détail » n’a plus d’importance.

13 mai. Je suis dans le train entre Lyon et Nice, en déplacement. Allumant mon portable je tombe sur 3 messages de ma mère au bord de l’hystérie. Après des mois de suspens, la réponse est enfin tombée : à l’automne 2009, je partirai pour 15 mois en Antarctique. Mon rêve de gamine enfin à portée de main.