29 oct. 2009

Arrivée à Dumont D’Urville


Canot de sauvetage du bateau et pack

Et voilà, le bateau, c’est fini ! Après 8 jours de mer et de glace, nous sommes enfin arrivés en Antarctique. Les 3 derniers jours ont été extraordinaires. Nous avons traversé toutes sortes de formations glacées : des petits glaçons, de grandes étendues de glace très fine, de la glace très épaisse, des gros blocs en désordre, des plaques en forme de moule à tarte, des icebergs… Du bleu, du blanc, du rose, du turquoise… J’imaginais un décor un peu monotone, mais en fait les paysages furent chaque jour différents. Les animaux sont également venus égailler le voyage : manchots Adélie et empereurs, phoques crabiers, orques, oiseaux… Autant les jours en mer nous ont semblé interminables, autant ceux dans la glace sont passés vite…



De la passerelle, vue sur l’avant du bateau



La température est rapidement tombée autour de -10°C, avec 50 km/h de vent environ. A l’abri du vent il fait bon, mais en plein vent il commence à faire frais ! Je retrouve avec plaisir les sensations québécoises, et le cérémonial avant de sortir dehors : sous-gants, gants, tour du cou, lunettes de soleil, bonnet…

L’aspect technique fut également passionnant. Il était possible de monter à la passerelle, là où le capitaine et le second dirigent le navire, et d’observer leurs manœuvres et les instruments de bord. Très instructif ! Parfois le bateau avançait facilement dans de la glace fine, de temps en temps il arrivait à trouver une rivière et progressait à toute allure, à d’autres moments il avançait péniblement dans de la glace épaisse avec de forts craquements, parfois encore il se retrouvait coincé par une zone de glace trop épaisse. Plusieurs possibilités alors : soit il reculait puis réavançait au même endroit avec de l’élan, soit il reculait puis essayait d’avancer juste à côté de la zone où il était bloqué, soit il faisait demi-tour pour changer de route et éviter toute cette zone.




Icebergs posés sur la banquise

Pour clore ce voyage, l’arrivée sur le continent Antarctique fut grandiose. Nous avons longé les glaciers du continent toute la soirée, jusqu’au coucher du soleil, avec un temps magnifique et plusieurs colonies de manchots Adélie évoluant près du bateau. Impossible de trouver les mots pour décrire un tel tableau. Une furieuse envie d’appuyer sur la touche pause. Le bateau s’est finalement arrêté dans la banquise à une petite centaine de kilomètres de la base, mercredi 28 octobre.





Nous avions fini par nous y habituer à ce bateau, à avoir une certaine routine et à beaucoup nous y plaire (surtout depuis l’arrivée dans les glaces, il est vrai). Par conséquent les sentiments sont partagés : heureux de bientôt découvrir la base et les colonies de manchots, mais déjà nostalgiques de ce fantastique voyage. Accessoirement aussi nous disons au revoir aux grasses matinées et journées à regarder les paysages, il va maintenant falloir travailler !


Fin de journée sur la banquise


Manchots Adélie fuyant à l’approche du bateau (continent antarctique en arrière plan)

Jeudi nous avons commencé le déchargement du bateau, grâce à deux hélicoptères effectuant des rotations entre le bateau et Dumont D’Urville (la base où je serai) ou Prud’homme (petite base située sur le continent, permettant de préparer le raid pour Concordia). Comme le veut la tradition, le premier hélicoptère a emporté avec lui le courrier (une dizaine de gros sacs !). Les manœuvres ont pris un peu de retard du fait d’ennuis mécaniques sur un hélicoptère. Je suis finalement partie en fin d’après-midi, et le vol a duré une petite heure. J’avoue ne pas m’être sentie très rassurée… Mais le survol de la banquise fut magnifique ! Que rêver de mieux pour un baptême d’hélicoptère ?

Donc voilà, enfin arrivée à ce qui sera ma maison pendant 15 mois, après un voyage de 11 jours !


Montage des hélicoptères

26 oct. 2009

Enfin dans les glaces !


Entrée dans le pack, il ne fait pas très beau !

Nous avons finalement été chanceux sur cette traversée, car nous n’avons traversé qu’une seule grosse perturbation, qui n’a pas duré très longtemps. Suffisamment longtemps tout de même pour comprendre à quel point ce bateau peut-être horrible par mauvais temps. La houle arrivant de face, le bateau décollait à chaque vague pour atterrir lourdement, et sur la couchette nous avions l’impression de nous envoler puis de nous enfoncer, ou d’être éjecté. Bref, un mauvais moment, on touche aux limites du patch, il n’y a plus qu’à rester couché et attendre que ça passe. De toute façon le pont inférieur est fermé car cela devient dangereux, dans le salon les chaises glissent d’un bout à l’autre de la pièce, et même sur les canapés il faut se retenir pour ne pas tomber, ce qui est vite fatiguant.


Trajet du bateau dans la glace


Les températures commencent à sérieusement baisser…

Hier soir, nous regardions un énième film au salon, quand le bateau est devenu étrangement tranquille, avec de temps en temps des chocs et de drôles de bruits… Vite, je me suis ruée sur le pont inférieur avant de transmettre la nouvelle : les premiers morceaux de glace !  Voilà qui signe le passage à la deuxième partie de la traversée. Chacun le vit différemment. Ce moment est synonyme de davantage de stress pour le capitaine qui doit éviter les icebergs trop gros, de soulagement pour ceux qui étaient malades et que nous n’avions pas vu depuis plusieurs jours, de routine pour ceux qui font régulièrement la traversée, et de fête pour les petits nouveaux dont je fais partie. J’ai donc passé l’essentiel de ce 6e jour en mer à l’extérieur, à profiter des fantastiques paysages. J’ai ainsi pu observer les premiers manchots Adélie, qui se reposent sur des morceaux de glace, et fuient à l’approche du bateau. Les pétrels géants et damiers du cap ont laissé la place aux pétrels antarctiques et pétrels des neiges. Nous sommes comme des enfants un matin de Noël. Emerveillés d’un rien, un oiseau, un morceau de glace turquoise, un iceberg plus gros que les autres, le craquement de la glace au passage du bateau… Une journée très émouvante en fait.


Avec mes camarades de cabine, en tenue IPEV


Vue sur l’avant du bateau

Il fait de plus en plus froid, même la température de l’eau est maintenant négative. On ne sort plus dehors en polaire. J’ai donc déballé mon paquetage IPEV pour être un peu mieux équipée. Le temps est pour l’instant couvert, mais il faut néanmoins se méfier du soleil, la couche d’ozone étant très fine là où nous sommes. Preuve en sont les coups de soleils attrapés en à peine une heure de sieste sur le pont !


Ombre de l’Astrolabe sur la glace


Pont inférieur du bateau

Pour l’instant le bateau avance dans des rivières, zones ou le pack est naturellement peu dense. Mais le pack se densifie de plus en plus, et il faudra bientôt envoyer l’hélicoptère en reconnaissance, pour qu’il repère les zones les moins denses, où le bateau pourra passer. Si tout se passe bien, il nous reste encore 2 ou 3 jours de navigation, puis 2 jours pour décharger le bateau avec les allers-retours de l’hélicoptère. La connexion satellite du bateau ne permet pas d’envoyer de photos, j’en mettrai donc en ligne quand je serai arrivée à la base.





Je réalise peu à peu qu’il ne s’agit plus d’un de ces rêves que je faisais régulièrement, où au réveil la glace avait disparu, fausse joie récurrente. Là je sais que demain matin la glace sera toujours là, il fera juste un peu plus froid que la veille au soir, et je serai encore un peu plus près de la Terre Adélie. On dit parfois que quand un rêve se réalise, on est un peu déçu. Eh bien pour l’instant, la réalité surpasse le rêve. Pour la suite, on verra en temps voulu…


Manchots Adélie se dirigeant vers le continent antarctique,

24 oct. 2009

Nouvelles de l’Astrolabe


Départ du port de Hobart

Nous en sommes à notre quatrième jour de mer. Nous avons maintenant dépassé les 50e rugissants, et franchi le front polaire. En peu de temps la température a donc chuté de plusieurs degrés (température de l’air 1°C, température de l’eau 0°C). Nous avons donc sortis les habits d’hiver du paquetage fourni par l'IPEV.


Sortie de la baie

Pour l’instant le temps a été relativement clément, mais nous attendons une perturbation en fin de journée, avec une houle d’une dizaine de mètres. Même par temps assez calme le bateau bouge beaucoup (il n’a pas de quille), et l’on retrouve de moins en moins de monde aux repas, beaucoup préférant rester couché dans leur cabine. Lors des repas il faut se tenir à la table pour ne pas glisser, tout ce qui n’est pas ou mal attaché tombe, et je vais finir par avoir un paquet de bleus à force de me cogner partout lors des déplacements ! Pour dormir c’est un peu pénible, ma couchette est dans le sens du bateau et pour l’instant celui-ci roule plus qu’il ne gîte, donc je passe mes nuits à bouger de droite à gauche. Comme ma couchette est en hauteur, j’ai parfois peur de tomber lorsque le bateau roule trop, alors je me cale avec des vêtements.


Notre cabine, pour 4 personnes

Sinon je n’ai pas trop le mal de mer, les patchs sont très efficaces ! Par contre les effets secondaires sont très désagréables (bouche sèche et dilatation des pupilles, ce qui pour moi rend la lecture impossible).


Albatros de Campbell

Nous devrions atteindre le pack lundi matin. Les premiers icebergs ont été aperçus ce matin. Le pack est dense cette année, le trajet risque donc d’être long. Tout le monde a hâte d’atteindre enfin les glaces, le bateau ne bougera plus et il y aura davantage de choses à voir. Pour l’instant on s’ennuie un peu. La journée s’articule autour des repas délicieux (7h, 11h, 18h), des observations des quelques oiseaux marins qui suivent le bateau (pétrels, albatros, damiers du cap), de la télévision (je ne l’ai jamais autant regardé de ma vie !), la sieste et l’épreuve de la douche (c’est technique pour ne pas glisser et tomber :)). Voilà, vivement lundi !


Pétrel géant

21 oct. 2009

Passage éclair en Tasmanie

Me voilà arrivée en Tasmanie, après 2 jours de voyage plutôt éprouvants. Nous étions environ 35 à nous retrouver à Roissy dimanche pour un départ groupé. Tout d’abord nous avons fait une douzaine d’heures de vol pour atteindre Hong Kong, où nous sommes restés une journée. Cela nous a permis de visiter un peu la ville, surprenante. Le centre-ville est coincé entre les montagnes et la mer, très pollué, et les buildings gigantesques cohabitent avec les petits marchés typiques et logements minuscules. C’est avec plaisir que j’ai retrouvé l’Asie, mais j’ai pris ma dose de pollution et de foule pour l’année à venir ! Nous avons ensuite repris l’avion pour atteindre l’Australie en une dizaine d’heures. A Sidney, nos bagages ont subi un contrôle rigoureux pour éviter les importations de faune ou de flore, puis un nouvel avion nous a permis d’atteindre la Tasmanie, 1h30 plus tard.


Hong Kong vue de Peak Tower


Collines bordant la ville de Hong Kong


Magasin de viande à Hong Kong


Arrivée en Tasmanie

Hier, c’est donc avec joie que nous sommes arrivés a Hobart. Trajet en bus puis contrôles d’identité un peu démesurés, et enfin nous avons atteint le bateau, l’Astrolabe. Le temps ensuite de prendre possession de nos cabines, de ranger un minimum, puis nous étions invités à un cocktail à l’Alliance Française. Une bonne petite soirée avant de quitter l’Océanie.



Les cabines sont petites mais le bateau a l’air confortable. Les avis divergent sur la densité du pack et la météo, donc nous ne savons pas encore si la traversée va être longue ou courte, agitée ou calme... La question du moment est donc médicaments anti mal de mer ou non ? Patch ou comprimés :-) ?

Le bateau part à 15 heures heure locale (+9 par rapport a la France), il nous reste donc 2 heures pour faire de petites courses et profiter encore un peu de la civilisation. Je fais peu à peu connaissance avec les 50 personnes qui seront sur le bateau (c'est sa capacité maximum). Chacun a un profil différent, et beaucoup sont partis de nombreuses fois en Terre Adélie, les conversations sont donc passionnantes... Sur la photo suivante, 2 des mes camarades de cabine, également biologistes.



Pour ceux que cela intéresse, il est possible de suivre l’Astrolabe en temps réel grâce a Google Earth ici : http://www.institut-polaire.fr/ipev/bases_et_navires/l_astrolabe/position_de_l_astrolabe

Je commence enfin à réaliser... Cette fois ci, c'est vraiment parti :-) !

18 oct. 2009

C'est parti !

Ca y est, le grand départ est pour aujourd’hui ! Les dernières semaines ont été comme il se doit bien remplies… Lyon-Châlons en Champagne-Strasbourg-Châlons-Nantes-Brest-Annecy-Strasbourg-Avignon-Châlons-Paris-Lisbonne-Nantes-Châlons, le tout en 7 semaines… Beaucoup de kilomètres histoire de revoir famille et amis, le temps d’un rhum arrangé avec Chloé et Francis les nouveaux fiancés, d’un semi-marathon dans le sud avec les copains, de quelques jours dans la frénésie parisienne, ou encore d’un week-end en famille au soleil. Bon il ne faut pas croire, ça n’a pas non plus été 7 semaines de vacances, j’ai aussi commencé à travailler au CNRS de Strasbourg pour être opérationnelle dès mon arrivée en Terre Adélie…


Dans le Lubéron, semi-marathon aux couleurs des Papillons de Charcot

J’ai donc eu également l’occasion de rencontrer mes futurs collègues. Pour ceux qui s’interrogent sur la composition de la 60ème mission en Terre Adélie (TA 60), cet hiver nous serons 26 (dont 6 filles) : une chef de base, un médecin, un responsable technique, un chaudronnier-soudeur, un micromécanicien, une physicienne, deux glaciologues, trois météorologues, un gérant postal, deux mécaniciens centrale électrique, un mécanicien garagiste, un informaticien, deux biologistes-vétérinaires, une ornithologue, un radio, un plombier-chauffagiste, un ichtyologue, deux électroniciens, un cuisinier et un pâtissier-boulanger. J’aurai l’occasion de revenir sur le rôle de chacun dans les activités de la base.


Membres de la TA60

Je suis très contente de partir enfin, bien qu’un peu triste de tout quitter. Mais c’est pour mieux retrouver tout le monde d’ici 1.5 an ! Il était temps que ce jour arrive, à force d’en parler j'allais finir par croire que le départ n’arriverait jamais…

Il me reste maintenant à affronter l’épreuve du bateau (j’avoue avoir un peu peur du mal de mer…), RDV d’ici quelques jours pour vous raconter le voyage !

Merci pour tous les petits mots et cadeaux que j’ai reçus, voilà qui fait chaud au cœur !

Manchots ou pingouins ?

Avant mon départ, je voudrai lever toute ambiguïté… Beaucoup se sont trompés, certains ont émis des réserves, d’autres encore pensaient qu’il s’agissait du même animal… Bref, rare sont ceux qui connaissent la différence entre les manchots et les pingouins ! La faute aux anglais, dirons-nous…

Les manchots et les pingouins sont donc des animaux complètement différents.
Les manchots appartiennent à la famille des Sphéniscidés, et sont incapables de voler. Il en existe 18 espèces, réparties en 6 genres. Leurs ailes atrophiées, appelées ailerons, leur servent essentiellement à se déplacer avec aisance dans l’eau. Les manchots colonisent l’hémisphère sud : Antarctique, îles subantarctiques, Afrique du Sud, sud du Chili et de l’Argentine…


Manchot empereur. Source : Wikipédia

Les pingouins en revanche vivent dans l’hémisphère nord, et sont capables de voler. On peut même en trouver sur les côtes bretonnes (oui oui, ça n’est pas une blague). Ils appartiennent à la famille des Alcidés. Il n’existe plus aujourd’hui qu’une seule espèce de pingouin, le petit pingouin, le grand pingouin ayant disparu vers le milieu du 19e siècle.


Petit pingouin. Source : Index Open

S’ils sont si différents, pourquoi alors les confond-on ? Eh bien en anglais manchot se dit « penguin », et pingouin se dit « auk ». De quoi en perdre son latin… Le mot « pingouin » pourrait venir du gallois ou du breton « pen gwyn » signifiant « tête blanche » (le grand pingouin avait une tache blanche devant l’œil). Selon une autre hypothèse, le mot proviendrait du latin « pinguis », signifiant en latin « graisse » ou « qui rend gras » (moins poétique…). Bref, voilà pour le pingouin (hémisphère nord).

Les marins anglais, voyant pour la première fois des manchots (hémisphère sud donc…), les ont confondus avec le grand pingouin présent sur les côtes bretonnes… Les allemands, italiens et espagnols leur ont emboîté le pas et ont eux aussi introduit cette confusion dans leur langage. En revanche, en France l’Académie des Sciences a décidé qu’on appellerait ces animaux manchots (du latin « mancus » signifiant « estropié », en référence à leurs ailes atrophiées) et non pingouin.

Résultat, en France personne ne s’y retrouve ! Enfin, à part vous, qui n’avez maintenant plus aucune excuse pour parler des « pingouins du pôle sud » !