19 nov. 2010

Fin d’hivernage

Et voilà, après 8.5 mois d’isolement, notre hivernage a pris fin. Le premier avion est arrivé mardi 16 novembre, nous amenant une douzaine de campagnards d’été. Le deuxième avion ne devrait pas tarder, attendant une fenêtre météo entre deux dépressions.

En montant à D10, série de cuves de carburant qui seront amenées à Concordia par le raid

Arrivée de l’avion à D10

Le DC3 après son atterrissage

Pour ma part, je suis très contente de l’arrivée de nouvelles personnes. J’ai notamment pu faire la connaissance de Françoise, qui prendra mon poste pour le prochain hivernage. Nous avions déjà pu échanger par e-mail, et j’étais impatiente de la rencontrer. Bon, impatiente aussi, il est vrai, de partager la charge de travail, conséquente en été. Les dernières semaines ont en effet été bien occupées, car il m’a fallu lancer seule, avec l’aide de mes co-hivernants, les manips de cet été.

Au pied des bergs, la glace fond parfois puis regèle, formant de jolies surfaces planes

Finie la grande table familiale où nous mangions à 26 côte à côte, le séjour grouille maintenant de monde, et apéritifs et soirées sont bien animés. Vous me direz, « mais vous n’êtes même pas 40 ! ». Certes, il est difficile d’imaginer le changement que procure l’arrivée de seulement 12 personnes, mais croyez-moi, il est majeur !

Les nouveaux arrivants nous ont apporté des journaux (presque) récents, de la musique et des films sortis cette année, sur lesquels nous nous sommes avidement jetés… Comble du luxe, Françoise m’a même apporté… une orange ! Quel bonheur ! Depuis hier, je la regarde et la sens, afin de faire durer le plaisir à venir :)…

Quels sont mes sentiments en fin d’hivernage ? Je suis contente d’avoir vécu cette expérience, mais contente aussi de passer à autre chose, même si je suis déjà presqu’un brin nostalgique. Un hivernage apporte beaucoup de choses positives, mais il ne faut pas croire, en lisant nos blogs, que tout est rose tous les jours. Je vous ai surtout parlé de ce qui m’a émerveillée, passionnée, fait vibrer, mais très peu de ce qui m’a pesé ou attristée, cela n’ayant à mon sens pas sa place sur un espace public. Une chose est sûre en tout cas : j’ai l’impression d’en avoir profité à fond, et n’ai rien à regretter. J’ai fait pratiquement tout ce dont je rêvais ici, et même plus !

Neige volant sur la banquise

J’ai beaucoup de nouvelles récentes à partager avec vous, il y a tant à dire que je ne sais par où commencer.

Commençons par un petit point sur les oiseaux. Toutes les espèces sont de retour sur l’île. Après les pétrels géants, les skuas, damiers du Cap et fulmars sont arrivés. Les pétrels des neiges se sont fait un peu attendre, et les océanites ont fini par pointer le bout de leurs ailes il y a quelques jours. Les manchots Adélie sont de leur côté arrivés fin octobre, et ont rempli les différentes colonies : d’abord les mâles, puis quelques jours plus tard les femelles. L’île est au complet !

Couple de pétrels des neiges

J’ai été très émue de retrouver les manchots Adélie. Très rapidement, ils ont repris la place qu’ils occupent sur l’île. Ils sont partout. Sous les bâtiments, sous les passerelles, près du dortoir… J’avais oublié à quel point ils sont nombreux et bruyants. Ils cherchent des cailloux, et c’est à celui qui aura le plus gros nid. Les premiers œufs ont été pondus il y a quelques jours. Certains manchots ont déjà deux œufs, mais la plupart n’en ont qu’un, ou n’en ont pas encore.

Arrivée d’un groupe de manchots Adélie


Manchots Adélie qui copulent

Côté manchots empereurs, nos petits poussins ont gagné en volume.

Difficile de les qualifier encore de poussins, quand certains atteignent la taille de leurs parents… Ils commencent à muer, sur le bout des ailerons et le bas du ventre. Bientôt le retour des punks !



Poussin empereur début novembre

Les phoques ont eux aussi terriblement grandi et grossi. Ils sont tout simplement énormes ! Les mises-bas sont maintenant terminées. Dès qu’ils ont une dizaine de jours, les bébés phoques peuvent commencer à aller à l’eau. Aux dernières nouvelles, nos jumeaux allaient bien. Mais c’était avant la débâcle… Nous espérons qu’ils sont partis sains et saufs sur une plaque de glace, avec leur maman !

Certains phoques sont encore petits, mais la plupart sont bien plus gros que celui-là…

Phoque qui tète

Le premier occasionnel n’a pas tardé à venir lui aussi visiter l’archipel… En effet, depuis quelques jours, un manchot jugulaire se construit un nid au milieu des Adélie, sur l’île de Lamarck. Moins agressif que celui venu l’an passé, celui-là semble attendre un improbable partenaire…

Manchot jugulaire sous la neige

Les températures sont bien remontées, dépassant même, pour la première fois depuis 8.5 mois, la barre du 0°C. La fin du mois d’octobre et le début du mois de novembre ont été riches en tempêtes, avec des vents forts et des chutes de neige. L’île est beaucoup plus enneigée que l’année dernière à la même époque. Les Adélie sont nombreux à avoir un nid dans la neige, à la place des cailloux… Ceci me permet d’enchaîner sur :

Idée reçu n°15 : à la fin de l’été, la banquise disparaît en fondant.

Ça n’est pas tout à fait vrai, même si ça n’est pas complètement faux non plus… Nous étions nombreux à croire que c’était la remontée des températures qui créait la débâcle. En réalité, c’est le vent qui joue le rôle principal. Il frotte sur la banquise, la fragilise, et fait se détacher de grandes plaques de glace. Celles-ci rejoignent le pack, se cassent en morceaux de plus en plus petits, qui finissent par fondre en remontant vers le nord. En hiver, la plupart du temps les gros coups de vent n’ont pas trop d’impact sur la banquise car il fait très froid, mais des débâcles très précoces ont déjà été observées. En revanche, l’association à la fin de l’hiver de températures assez douces et de vents forts est radicale pour la banquise…

8 novembre : des plaques de banquise se détachent au bout du Lion

L’alternance de glace et d’eau libre donne de jolis paysages

Ainsi avec l’enchaînement de tempêtes en octobre et novembre, notre banquise s’est "fait la malle". Nous pouvons toujours nous rendre à la manchotière, située près du Nunatak donc assez proche de l’île des Pétrels. En revanche, impossible maintenant de rejoindre Prud’homme, Gouverneur, ou les bergs que nous affectionnions. Finies les grandes balades ! Mais qu’est ce que c’était bien !

18 novembre : l’eau libre a bien progressé et la plupart des îles de l’archipel sont les pieds dans l’eau

4 nov. 2010

Hommage

Ce lundi 1er novembre, en mémoire de nos quatre camarades disparus, un ballon a été lâché au coucher du soleil.