Petit retour sur une semaine intense. Jeudi matin 25 février, l’Astrolabe arrive en fin de matinée. Je suis ce jour là de service base, de « petite Marie » comme on dit (je reviendrai là-dessus plus tard). Dès l’arrivée du bateau, la plupart des campagnards d’été déménagent à bord pour que cela soit plus pratique, nous croisons tous les doigts pour qu’ils remontent sur l’île une dernière soirée. Aux repas, nous ne sommes déjà plus très nombreux, et règne un étrange silence. Le personnel technique s’active autour du bateau durant quelques jours, déchargeant et chargeant ce qui doit l’être. Comme d’habitude, une course contre la montre est engagée, avec comme adversaire les éventuelles perturbations météo, et le planning à respecter. De notre côté, nous autres scientifiques essayons d’aider comme nous le pouvons : remplacement des techniques pour la petite Marie, nuit centrale. Je réalise ainsi ma première nuit centrale. Il s’agit de surveiller entre 20h et 6h du matin le bon fonctionnement des différentes installations produisant eau et électricité sur la base. Rien de bien compliqué, cela consiste à rester éveillée, faire des relevés toutes les 2 heures, et en cas d’alarme (ce qui fut le cas pour cette première nuit), de réveiller le responsable concerné pour qu’il agisse au plus vite. Bref, cela m’a permis de rattraper mon retard de mails, et de discuter avec les différentes personnes passant me tenir compagnie.
Avec le bateau, nous avons également reçu le dernier arrivage de courrier avant octobre… Et là, j’ai été une fois de plus gâtée ! Des chocolats, des bonbons, des livres et revues d’actualité, des photos, des vêtements, des dessins d’enfants, du foie gras, des annonces de bonnes nouvelles, des faire-part, des séries télé récentes, des petites cartes des 4 coins de la France… Merci à tous ! Me voilà parée pour affronter l’hiver ! Cela m’a permis de me rendre compte, s’il en était besoin, que la distance n’altère pas les relations qui comptent. Merci également pour les messages des lecteurs de ce blog, il est vraiment plaisant de se savoir lue et encouragée.
Ce samedi soir, la musique a résonné longtemps dans le séjour pour fêter ce dernier départ. La plupart des partants étant arrivés sur R0 avec moi, nous avons déjà beaucoup partagé, et ce n’est pas sans une certaine émotion que je m’apprête à leur dire au revoir. Un billard, une danse, un toast, on garde ses bonnes vieilles habitudes en essayant d’oublier quelques instants que la prochaine fois qu’on remettra ça, cela sera dans 8 mois, et encore, pour ceux qui reviennent. La nuit fut donc courte pour tout le monde. Le lendemain à 7h, je suis au rendez-vous pour dire au revoir à tous les partants, qui embarquent sur l’Astrolabe via la petite barque. Ensuite, c’est l’attente. Les hivernants qui ont réussi à se lever finissent les pancartes préparées pour le départ, et guettent l’avancée des évènements. Vers 10h00, un message radio nous informe que le départ est proche. C’est alors la course : nous courons réveiller les derniers dormeurs au 42, nous nous retrouvons tous au salon, saisissons les pancartes, nous habillons chaudement et descendons sur les rochers à proximité du bateau. Nous attendons encore longuement, puis quand le bateau s’éloigne du quai, chacun se munit de son panneau, et nous essayons tant bien que mal de reconstituer le message que nous souhaitons faire passer : « Merci et à bientôt !!! ». Forcément, nous avons perdu la feuille, nous peinons à mettre les lettres dans l’ordre, bref, c’est imparfait, mais l’essentiel est dit, et c’est parfait. Le bateau s’éloigne alors lentement… Nous sommes plusieurs à remonter à toute vitesse à l’autre bout de l’île pour voir l’Astrolabe passer à proximité de la pointe de l’île. Ensuite, il faut attendre que les derniers campagnards rangent les véhicules présents sur la piste du Lion (en effet nous n’avons plus de bateau pour effectuer la traversée et il faudra attendre l’arrivée de la banquise pour pouvoir traverser le chenal et rejoindre les hangars situés sur la piste), puis qu'ils soient récupérés par une barque et montent à bord. Longtemps mains et drapeaux sont agités, alors que je tâche de graver dans ma mémoire cet instant symbolique. Le soir au salon, le repas est moins calme que je ne l’aurai imaginé. La fatigue aidant, chacun y va de sa bruyante boutade, comme pour combler le vide des absents.
Longue attente avant que le bateau ne parte enfin.
Astrolabe disparaissant à l’horizon… Il ne reviendra vraisemblablement que dans 8 mois.
En réponse à une question qui m’a été posée : pour sortir de l’eau et grimper sur la glace, la plupart du temps les Adélie arrivent en nageant très vite et jaillissent hors de l’eau, telles des torpilles. Cela donne parfois des situations cocasses, quand ils évaluent mal la hauteur du glaçon, ou quand le sol est trop glissant à l’arrivée.
Quelques nouvelles en parallèle :
- Nos deux occasionnels de l’année sont revenus pour une réunion inter-espèce. Nous avons eu l’occasion de les observer tous les 2, gorfou de Schlegel et manchot à jugulaire, en grande conversation avec 2 Adélie immatures. Ils n’ont semble-t-il pas abouti à un consensus et sont repartis chacun de leur côté après quelques minutes de vifs échanges. Scène très amusante.
- Des petits rorquals nous ont fait le plaisir de venir se promener autour de l’île des Pétrels, l’occasion pour nous de les observer à maintes reprises, de près, de loin, sous tous les angles…
- La nuit progresse à la vitesse grand V… Comme le ciel est parfois dégagé, nous passons en « vigilance aurore », les personnes qui travaillent de nuit sont chargées de téléphoner au 112 (numéro regroupant toutes les personnes intéressées) si une aurore australe est observée… En attendant, nous profitons de magnifiques levers de lune…
- L’hiver se rapproche… Il commence à faire moins chaud (j’ai rajouté doudoune et sous-gants, voire tour du cou et pantalon coupe-vent à ma tenue estivale) et les glaçons sont de plus en plus nombreux autour de l’île, ce qui nous permet d’observer les Weddell évoluer avec aisance au milieu des multiples morceaux de glace, c'est splendide…
Je vous laisse sur un paysage de fin d’après-midi, un jour où la lumière était aussi belle que ce début d’hivernage.
Encore un super article :-)
RépondreSupprimerJ'adore les photos des "torpilles" et attends avec impatience celles des aurores...
Une fois de plus tu nous en mets plein les yeux!!!
RépondreSupprimerC'est vraiment magique, les 2 photos d'Adélies jaillissant hors de l'eau sont géniales!!
J'aime beaucoup le terme de "vigilance aurore";)
Ici on est passé une fois en vigilance pré-cyclonique mais rien de bien méchant.
bisous bisous
Le drapeau breton, j'espère que c'était toi, hein ;) (j'en doute un peu, mais bon!)
RépondreSupprimerEt trop mignon la fin de l'article... Profite!
Plein de bisous
Continue à nous illuminer, très belles photos de ces Adélies. Bon courage pour la période à venir je pense que tu vas encore avoir matière pour nous surprendre bises. Michel
RépondreSupprimerMarion,
RépondreSupprimerJe vais continuer à suivre, avec toujours autant d'interêt cette nouvelle période de ton séjour en Terre Adélie, je te souhaite un excellent hivernage.
A 26 pendant 8 mois, combien de "petite Marie" pour chacun??
Bises
Alain
Oh la la, quelles superbes photos !
RépondreSupprimerToujours aussi top, je me régale !
Merci Marion pour ce partage !!!
Biz
Marion (cousine Marjo)
Tout simplement MAGNIFIQUE !!! Tu as vraiment un don pour nous narrer tes expériences et nous faire rêver . Merci et profites bien
RépondreSupprimerBon hivernage, Marion, à vous et à toute la TA 60 !
RépondreSupprimerMerci pour vos photos, elles sont absolument magnifiques !
Amitiés.
Maddy (maman JB)
Superbes photos, super récit !
RépondreSupprimerBon courage pour ce passage "seuls sur votre île déserte" on se croirait presque à Koh Lanta lol ! On attend encore des photos !
Bises
Lolo
héhé, ouais il doit bien y avoir denis brogniard planqué dans les 26, et à la fin IL N'EN RESTERA QU'UN !
RépondreSupprimerJ'y vais moi aussi de mon pti mot d'encouragement pour cet hiver dont l'obscurité grandissante ne sera égalée dans l'escalade oppressante que par la solitude nonchalante de votre petit groupe de presque trente (ouais je sais c'est capillotracté mais c'était pour la rime)
gros bisous marion, fais attention à toi et continue les joulies photos
Nuf
superbes les photos,trés intérèssantles articles,vous vivez tous une belle expérience avec de beaux souvenirs.
RépondreSupprimeramitiées mère de marie
Je m'étais fait avoir pour l'ours polaire...
RépondreSupprimerAntarctica = no bears
http://www.centralpark.com/pages/central-park-zoo/polar-bears.html
Merci pour ce partage fait de mots et photos manifiques et touchant pour nous qui suivons philatéliquement les polaires et leur quotidien, souvent avec envie.
RépondreSupprimerJean Pierre COTTRET
UFPP#921