30 nov. 2009

Comment appelle-t-on les habitants de la Terre Adélie ?

Les manchots Adélie, bien sûr ! Je ne peux rester plus longtemps sans vous parler de ces curieux énergumènes… car c’est grâce à eux si je suis ici aujourd’hui ! Il y en a 15 000 couples sur l’île des pétrels, et environ 40 000 pour tout l’archipel de pointe géologie (l’île des pétrels et les autres îles alentours). Ils nichent dans le moindre rocher, sous nos bâtiments, sous les passerelles, voire sur des blocs en béton ! Impossible donc de ne pas les voir, ils font partie du paysage. On les entend à longueur de journée et de nuit, leur odeur imprègne mes vêtements de travail, et l’on doit souvent faire des détours ou s’arrêter pour les laisser passer. Bref, ils sont partout !


Un Adélie en train de se reposer (posture typique)



En ce moment, ils sont en plein période de reproduction. Ils sont arrivés sur l’île fin octobre début novembre, un peu avant l’arrivée de R0. Ils se reproduisent pour la première fois vers l’âge de 4 ou 5 ans, et environ 70% des couples restent stables d’une année sur l’autre. La pariade dure environ 20 jours, les couples se forment et chantent. Ils construisent également leur nid, constitué de petits cailloux pour que l’œuf soit isolé du sol et de la boue/eau qui peut ruisseler.


Et un caillou de ramené pour le nid !


Couple d’Adélie chantant


Un Adélie en train de chanter (ça tient d’avantage du cri, c’est peu mélodieux…)

Puis ils pondent durant la deuxième quinzaine de novembre deux œufs, espacés de 3 jours. Les éclosions seront pour mi-décembre…


Un Adélie indécis, impossible de savoir ce qui se passe dans leur tête…


Œuf entre pattes et cailloux

Après la ponte, la femelle part se nourrir en mer durant une dizaine de jours, laissant au mâle le soin de couver l’œuf. Au final, le mâle se retrouve donc à jeûner une trentaine de jours pour assurer sa reproduction. C’est entre autre à ce phénomène que le programme sur lequel je travaille s’intéresse.


Grisou en train de couver (c’est une des stars de l’île car il a le plumage gris)

Pour l’instant nous sommes au moment du premier relais. Quasiment tous les couples ont pondu 2 œufs, et les premières femelles rentrent de mer. Le travail est donc plutôt prenant, car nous devons absolument faire une prise de sang au mâle au moment de l’échange, juste avant qu’il ne parte en mer, pour une cinquantaine de couples que nous suivons.


Femelles revenant de mer : elles sont tout propre !

Je trouve les Adélie moins beaux et majestueux que les empereurs, mais ils sont tellement drôles ! Il faut les voir avancer en se dandinant, glisser sur le ventre, se battre pour un caillou ou couver une coquille d’œuf quand ils ne se sont pas rendu compte que leur œuf était cassé… Ce sont de vrais petits teigneux, qui grognent, donnent des coups d'aileron et pincent quand on s’approche trop de leur nid. Rien de plus normal en même temps… ils sont chez eux !

Pour finir voici une photo destinée à se rendre compte de leur taille :) !


Les deux Marion au milieu des Adélie (photo K. Pierre)

Et voilà, sinon nous sommes désormais 5 hivernants de la TA60 à être arrivés en Terre Adélie ! Il y avait tout d’abord Marie, l’ornitho du programme de Chizé, Benjamin, le mécanicien-précision (le MéPré), ainsi que moi-même. Nous ont rejoints par avion Jean-Pierre le chef centrale et Claire, l’une des glaciologues. L’avion a ramené avec lui Laurence la chef de district (DisTA) et René-Pierre un campagnard d’été géologue. Le raid pour Concordia vient lui aussi de partir, emportant avec lui d’autres camarades. Les prochaines arrivées/départs seront pour R1. Moi qui ne suis pas physionomiste, je n’ai jamais eu à apprendre autant de prénom et de visages que sur les 3 derniers mois, et ça n’est pas fini !

Sinon nous vous remercions tous pour les nombreuses dédicaces la semaine dernière. En ce qui me concerne, entendre Brel, les Ogres ou Renan Luce à 9h du matin m’a donné du courage pour toute la journée :)! Comme elles n’ont pas pu toutes passer, une autre émission aura lieu cette semaine, avis aux retardataires…


Vue de la fenêtre de mon bureau : un bien curieux visiteur…

23 nov. 2009

En direct de DDU !

Peut-être pensez-vous qu’ici nous sommes coupés du reste du monde. Détrompez-vous ! Vous savez déjà que nous pouvons échanger des mails grâce à 4 connections satellites par jour. Les mails doivent faire moins de 50 Ko, mais des documents professionnels de plus grande taille peuvent parfois être envoyés ou reçus en ftp. Nous pouvons également envoyer et recevoir du courrier grâce à 5 rotations de bateau par an, au grand plaisir de nos amis les philatélistes. Certes, on est loin du passage quotidien du facteur, mais au moins on ne reçoit ni prospectus publicitaire, ni facture :) !

Il y a quelques années, il n’y avait pas d’échange de mails possibles, et les hivernants communiquaient via un fax hebdomadaire… Quelle avancée ! On a beau dire, il y a quand-même certains (j’ai bien dit certains) aspects de la mondialisation qui ont du bon…

Pour communiquer de façon plus rapide, nous disposons d’autre part d’une cabine téléphonique. Oui oui oui, vous avez bien lu ! Mais les tarifs sont dissuasifs (45 euros les 30 minutes, et ça décompte dès que ça sonne), communication par satellite oblige, et il faut choisir un jour peu venteux, sinon on risque de ne pas entendre grand-chose dans la cabine.

Pour être tenus au courant de l’information nationale et internationale, nous recevons tous les matins le 20 minutes ainsi que des dépêches AFP, qui sont imprimés et mis à disposition dans le séjour. Tout ça reste de l’information assez brute, que finalement peu de gens lisent, la page ayant le plus de succès étant celle des mots-croisés… Les premiers jours, je feuilletais le 20 minutes, mais on se sent vite déconnecté de l’extérieur, et les faits divers, histoires de grève, de réformes et autres actualités perdent de leur sens.

Voilà pour ce qui est de la communication avec l’extérieur ! Mais nous avons également des moyens de communication, hum, disons plus locaux ! Le téléphone et les mails fonctionnent en temps réel sur la base (et également entre DDU et Prudhomme). Chaque labo, atelier, chambre, salle de vie est équipé d'un téléphone. Un réseau relie d'autre part tous les ordinateurs et permet l'échange et la mise à disposition de nombreux documents de loisirs ou professionnels. Nous pouvons (et devons) également communiquer par radio lors des sorties sur la banquise, pour des raisons de sécurité.

Sinon nous avons aussi une radio à diffusion locale, baptisée « Skuarock ». La journée, une playlist aléatoire diffuse des musiques de toutes sortes, que nous pouvons écouter de partout dans la base. Parfois, des hivernants s’improvisent animateur radio et prennent l’antenne pour quelques heures… Mercredi matin une émission sera diffusée, alors avis aux amis d’hivernants / campagnards d’été, ou tout simplement aux amoureux de la Terre Adélie, DDU attend vos demandes de dédicaces ! Merci de me répondre via les commentaires ou sur ma boîte mail Ifremer :).

Voilà pour la communication, sans oublier bien sûr, le bouche à oreille. Dans un si petit groupe de personnes, tout se sait très vite ! Ce qui a ses avantages… et ses inconvénients !

Pas de photo cette fois-ci, je me rattraperai la prochaine fois en vous parlant de mes amis les manchots...

16 nov. 2009

Voilà l’été !

Eh oui, alors qu’en métropole vous voyez arriver l’hiver, ici c’est l’été qui pointe le bout de son nez. Rien à voir avec la canicule réunionnaise et les trombes d’eau qu’elle véhicule, les choses sont plus modestes… Ce samedi, nous avons pour la première fois dépassé les 0°C (0,5°C à 13h) ! Autant dire qu’au soleil, beaucoup étaient en t-shirt… Le soir, champagne pour fêter l’évènement ! Il régnait cet après-midi là une ambiance un peu particulière, un petit quelque chose flottant dans l’air, comme à l’écoute des premiers ronronnements de tondeuse au printemps... Revers de la médaille, la neige se met à fondre, ça dégouline, et la bonne odeur de fiente de manchot commence à se faire sentir sur l’île…


Berg se reflétant sur une fine pellicule d’eau

Le soleil se couche actuellement aux alentours de 21h45 et se lève vers 4h, mais il ne fait jamais complètement nuit. C’est un peu déstabilisant, ça ne donne pas envie de se coucher tôt ! L’épaisseur de la couche d’ozone fluctue d’un jour à l’autre (l’Antarctique est située en dessous du fameux « trou dans la couche d’ozone »), l’indice UV varie donc entre 5 et 10. Pour comparaison, en métropole on ne dépasse pas 8. Avec l’indice 10, en mettant de l’écran total toutes les heures, certains attrapent quand même des coups de soleil…

Sinon j’ai eu l’occasion il y a une semaine de faire une dernière sortie banquise sur la journée. Une formidable balade d’une quinzaine de km pour admirer des bergs à la glace translucide. Cela nous a donné l’occasion de voir des empereurs sortir de l’eau juste à côté de nous, et également d’observer d’assez près deux phoques crabiers, les premiers qu’il m’est donné d’observer. Ils sont beaucoup moins sympathiques que les phoques de Weddell !


Phoques crabier se prélassant


Berg en forme de vague

Après cette sortie, je me suis invitée avec un groupe se rendant à Prudhomme, à 7km de DDU, en courant. Drôle d’expérience… Cela m’a permis de visiter cette base. Située sur le continent, elle permet de préparer le convoi de véhicules à chenilles qui se rend à Concordia (la deuxième base française en Antarctique, située à l’intérieur du continent) plusieurs fois dans l’été pour acheminer matériel et personnel. Cette base est donc beaucoup plus petite, et moins éparpillée (un seul bâtiment vie). Comme le retour en courant ne me disait pas plus que ça, j’ai récupéré un véhicule (finalement, le stop marche aussi en Antarctique !) qui montait à D10. Il s’agit d’un point situé à 10 km de DDU, sur le continent, où une piste d’atterrissage artisanale est damée tous les ans. Là nous avons attendu l’arrivée de 2 avions australiens, venant faire une escale technique dans leur vol jusqu’à la base australienne de Casey. Ils ont mis une dizaine d’heures pour venir de Hobart ! Impressionnant de voir ces énormes engins se poser avec lenteur et délicatesse sur la glace.

Nous sommes pour l’instant 48 à vivre sur la base, mais l’effectif va fortement augmenter à l’arrivée de R1, vers mi-décembre. Trouver sa place n’est pas forcément facile. Certains hivernants de la précédente mission ont un peu de mal à accepter l’arrivée de leurs remplaçants, et l’ambiance peut parfois être pesante. Avec Marie, nous attendons donc l’arrivée du reste de la TA60 pour nous sentir totalement chez nous, et nous nous promettons de ne pas reproduire ce schéma dans un an, à l’arrivée de la TA61. Mais voilà une résolution peut-être plus facile à dire qu’à faire !

Nos suivis de manchots ont maintenant bien commencé. Le rythme de travail est donc passé à du 7 jours sur 7, finies les sorties banquises le dimanche ! Mais il reste encore les ballades le soir, avant que la débâcle ne rende la chose impossible… Je vous laisse donc sur ce joli crépuscule, qui dure chaque jour plusieurs heures, impossible à manquer !


Crépuscule sur la manchotière

6 nov. 2009

Première semaine à DDU

Voilà une semaine que nous sommes arrivés sur la base, mais le voyage me semble déjà très loin... Tout d’abord voici deux photos du vol en hélicoptère, qui donnent une petite idée du décor.


L’Astrolabe coincé dans les glaces


La banquise vue de l’hélicoptère

Voici également une photo de la base. En fait DDU se situe sur une île, l’île des pétrels, éloignée de quelques km du continent Antarctique. Actuellement, l’île est entourée de banquise, on peut donc se rendre à pied sur le continent ou sur les îles voisines. Mais bientôt la débâcle nous empêchera de quitter l’île, jusqu’à la reformation de la banquise l’hiver prochain. La base est constituée de plusieurs bâtiments reliés par des passerelles métalliques.


Base Dumont D’Urville vue du ciel

Les logements sont séparés en 2 bâtiments, le bâtiment 42, où je loge, et le dortoir été, situé à l’autre bout de l’île. Pour l’instant je partage une chambre avec Marie, la future hivernante ornitho. Les chambres sont assez petites, équipées de lits superposés, d’un bureau et d’une armoire, mais nous n’y sommes pas souvent.

Le lendemain de notre arrivée, le 30 octobre, nous avons subi notre première tempête, avec une rafale mesurée à 155 km/h ! Le vent soulevait la neige, ce qui rendait la visibilité très réduite, alors qu’il ne neigeait pas (cela s’appelle du chasse-neige). Très impressionnant ! Dans ce cas, il faut se tenir aux rambardes pour se rendre d’un bâtiment à l’autre. Comme je ne connais pas encore très bien la géographie de la base (et connaissant mon sens de l’orientation infaillible…), j’ai même failli me perdre en voulant me rendre à la gérance postale à quelques dizaines de mètres du bâtiment salon !

Dès le lendemain, je suis descendue à la manchotière (sur la banquise), pour faire connaissance avec les manchots empereurs… Magnifiques ! Ils sont très curieux. On les observe à distance, et si l’on reste immobiles, ils s’approchent très près … Les poussins sont grands, mais n’ont pas le même plumage que leurs parents, ils sont donc très facilement reconnaissables. Avec leurs ailerons qui traînent presque par terre, ils semblent vêtus d’un pull trop grand pour eux, trébuchent, sont maladroits, de vrais clowns ! Concernant les manchots Adélie, différentes colonies sont localisées partout sur l’île, même autour et sous les bâtiments. Ils sont très nombreux et très bruyants. Ce sont de petits teigneux dont je vous parlerai longuement…


Poussins empereurs et leurs parents


Première rencontre avec les empereurs

Dimanche, j’ai pu accompagner quelques hivernants de la TA59 lors d’une sortie banquise. Il faut en profiter avant la débâcle. C’était tout simplement magique. A cette époque de l’année, la banquise pullule de manchots Adélie, manchots empereurs et phoques de Weddell. Incroyable et irréel !


La banquise fourmillante de vie…

Pour ce qui est du travail, je prends mes marques à Biomar, le bâtiment regroupant les bureaux et labos des biologistes. Nos manipulations vont commencer d’ici quelques jours, le travail deviendra alors beaucoup plus dense.

Comme de tradition, un igloo a été creusé dans une congère peu avant l’arrivée de R0. La nuit dernière, avec la campagnarde d’été du programme sur lequel je travaille (qui s’appelle également Marion) et un météo de la TA59, nous avons dormi dans l’igloo, par environ -15°C. Il a fallu empiler les couches et récupérer des duvets corrects, mais nous avons passé une bonne nuit ! Bon, la prochaine fois je prendrai une cagoule et un deuxième bonnet, car j’ai eu un peu froid à la tête… Mais ce fut une excellente expérience !


Prête à dormir dans l’igloo

Voilà, les hivernants de la TA59 nous ont très bien accueillis, nous nous sommes tout de suite sentis chez nous. Nous sommes venus briser 8 mois d’isolement, et bousculer la routine qui s’était installée. En nous voyant, ils se revoient il y a un an, et de mon côté je m’imagine à leur place dans un an, c’est assez curieux comme sentiment.

J’ai maintenant une adresse e-mail, mdebin{at}ifrtpddu.ifremer.fr (en remplaçant {at} par @), mais les mails ne doivent pas dépasser 50 Ko (voici pourquoi les photos que je poste ne sont pas de très bonne qualité). On a 4 connections mail par satellite par jour (7h, 11h, 18h45, 23h), et en métropole il est 9h plus tôt qu’ici. Pfiuu, même au bout du monde on n’est pas coupé du monde, c’est fou ça !

Désormais, je reçois également les commentaires de ce blog, merci pour tout vos messages d’encouragement, qui font monter la température de quelques degrés :)!