La relève de l'empereur est assurée

Voilà quelques temps que je n’avais pas donné de nouvelles… Eh bien oui, on nous avait prévenus : après la Mid', tout s’accélère, et le temps passe à toute vitesse… Alors voici les dernières nouvelles…

Nous avons participé à un concours de court-métrages antarctiques et subantarctiques. Il s’agissait de réaliser en 48h un court-métrage de moins de 5 minutes, en faisant apparaître les items suivants : un mécanicien grincheux, une serpillère, une bouteille de bain de bouche, le bruit d’une sirène d’alarme, la phrase « quelqu’un a-t-il vu mon poulet ? ». Pratiquement tout le monde a mis la main à la pâte, et nous nous sommes beaucoup amusés. Brainstorming, scènes à tourner dehors en chemise par -20°C, déguisements, effets spéciaux maison, décors… Pour les curieux, le résultat peut être visionné ici.

Les autres films participant au concours sont présents ici.

Les bases françaises, Concordia, Crozet et Kerguelen ont également participé au concours. Résultats début août…

Grotte dans le glacier de l’Astrolabe

L’émission dédicace a du être scindée en deux, au vu du grand nombre de dédicaces reçues… Cela a comme d’habitude été un succès, nous vous remercions tous pour vos marques d’amitié !

Détail d’un morceau de berg strié de marron

J’ai également organisé un concours photo, auquel dix personnes ont participé. Pratiquement tous les hivernants sont venus voter. Le thème était « La glace », et la photo gagnante est la suivante. Thème du prochain concours (juillet-août) : « Les traces de l’homme dans l’environnement ».

Glace au couchant

Concernant le temps, pas de grosse surprise, nous passons de dépressions en épisodes de catabatiques… Il faut donc profiter au maximum des rares journées où le soleil est présent et le temps clément. La chose formidable est le rallongement des jours. Ça y est, nous gagnons de nouveau environ 1h de jour par semaine. Quel bonheur ! En revanche, pas de record météo en vue, nous pestons contre les températures qui ne descendent pas en dessous de -27.8°C, et le vent qui ne dépasse pas les 180 km/h…

Lever de soleil et mur de neige

Côté travail, calme plat en ce moment, pour encore quelques semaines.
Les discussions de la mission tournent maintenant autour des dates de rotation de retour, des programmes de vacances, des remplaçants de chacun… C’est drôle comme ces sujets, qui étaient presque « tabou » avant la Mid' sont maintenant abordés quotidiennement, de façon naturelle. Enfin, il faudrait veiller à ne pas trop en parler quand-même, nous sommes encore loin d’être partis !

Triple arche dans le glacier de l’astrolabe

Enfin, l’événement du mois est la naissance des poussins empereurs. Il nous a semblé voir le premier poussin le 1er juillet, nous avons donc scruté la colonie avec davantage d’attention, avant que la chose soit confirmée quelques jours plus tard : les premiers poussins sont nés !

Ils sont maintenant chaque jour plus nombreux. Les femelles étant nombreuses à être rentrées, certains animaux sont de nouveau en couple et la manchotière est beaucoup plus peuplée. Ici aussi bison futé classe certaines journées « rouges », avec de nombreuses arrivées de femelles et départs de mâles.

La manchotière bien remplie

Œuf en pleine éclosion…

Les petits poussins sont vraiment craquants, et la vigueur de leur chant est surprenante au vu de leur taille… Ils quémandent à manger avec force, secouant la tête de bas en haut jusqu’à ce que leurs parents les nourrissent.

Petit poussin dormant dans le blizzard

Poussin quémandant à manger

Certains manchots se retrouvent en couple, avec un œuf pas encore éclos

Couple d’empereurs front contre front

Certains poussins nés il y a quelques jours sont déjà bien grands !

Idée reçue n°9 : en Antarctique, il n’y a pas de végétation.

Quand je suis arrivée ici l’été dernier, j’ai été surprise d’observer sur les rochers, par endroits, une fine pellicule jaune-orange, ressemblant à s’y méprendre à du lichen… « ça n’est pas possible, en Antarctique, il n’y a pas de végétation ! » Eh bien si ! Certes il n’y a pas d’arbres ou de végétaux denses, mais il existe bien certaines formes de vie végétale non aquatique (hors algues marines).

La zone de l’Antarctique où la flore est la plus variée est la péninsule antarctique. Il y existe 67 espèces de mousses, 9 espèces de liverwort (dont je ne connais pas la traduction), 265 espèces de lichen, ainsi que les 2 seules plantes à fleurs du continent : l’Antarctic pearlwort (Colobanthus quitensus), et l’Antarctic hairgrass (Deschampsia antarctica).

Les liverworts sont proches des mousses, ce sont comme elles des cryptogames : végétaux se reproduisant à l’aide de spores, à l’inverse des plantes à fleurs. Du fait de leur anatomie très simple, avec absence de tissu spécialisé dans la conduction d’eau, les mousses et les liverworts absorbent eau et nutriment passivement, sans contrôle. Ils ne peuvent donc pas maîtriser leurs pertes d’eau en atmosphère sèche ou ensoleillée. Les espèces antarctiques sont cependant bien adaptées à des températures basses, et à des apports d’eau intermittents.
Les lichens appartiennent aux Ascomycètes et sont également des cryptogames. Chaque lichen est constitué d’une algue, et d’un fungus (champignon), qui vivent en symbiose. Les lichens antarctiques sont bien adaptés à des températures basses, et peuvent accomplir leur photosynthèse à des températures bien inférieures à 0°C (jusqu’à -17°C pour certaines espèces). Il s’agit de la forme prédominante de vie en Antarctique, notamment dans les zones très sèches et ventées. Dans les zones les plus propices, notamment sur la côte, ils peuvent couvrir plusieurs hectares de roche. Environ 420 espèces sont connues. 25% de ces espèces ont une distribution bipolaire, et sont également retrouvées en Arctique. 10% de ces espèces se retrouvent partout dans le monde. Du fait de l’isolement du continent, 50% des espèces continentales sont endémiques (ne se retrouvent qu’en Antarctique).
Certaines algues sont également capables de vivre dans un environnement non-aquatique. Plus les contraintes environnementales se durcissent, plus la part de ces algues dans la végétation devient importante.
(source : Encyclopedia of the Antarctic, Beau Riffenburgh Editor, 2007) Voilà, je ne vous en dirai pas plus, car vous l’avez deviné, les végétaux, ça n’est pas ma spécialité, je risquerai de vous raconter des bêtises… Mais l’important à retenir, c’est que même si on ne peut pas faire la sieste à l’ombre d’un chêne, ici aussi on a des végétaux !

Deux petites photos d’aurore pour finir…