23 oct. 2010

La boucle est bouclée…

Eh oui, d’ici quelques jours (le 30 octobre précisément), cela fera un an que j’ai posé le pied sur l’île des Pétrels. Un an de découvertes, un cycle reproducteur complet pour toutes les espèces que l’on rencontre ici, 365 jours de balades, de vent et de neige… Un an de bonheur, pour résumer.

L’Astrolabe est parti de Hobart le 21 octobre, a passé les 50e rugissants, et devrait être bloqué dans le pack aux environs du 29 octobre, comme l’année dernière. Il nous amène des campagnards d’été, nouvelles têtes ou habitués, certains membres de la TA61, mais également du courrier (nos premières lettres depuis plus de 8 mois !), et des fruits et légumes frais. Nous salivons de plaisir à l’idée de bientôt déguster abricots, bananes et tomates.

A quelques jours de l’arrivée du bateau, nous sommes pour la plupart partagés … D'un côté, nous sommes contents de cet évènement : cela renouvellera un peu les conversations, soulagera les tensions qu’il peut y avoir, mettra de l’animation, de la nouveauté… Mais cela signe aussi la fin de notre hivernage, cette aventure dont nous rêvions tous. Me voilà presque déjà nostalgique ! Mais je me suis faite une promesse :
accueillir les nouveaux arrivants comme il se doit, et ne pas leur donner l’impression, comme on nous l’a donnée l’année dernière, d’être des       « envahisseurs ». Dès leur arrivée, ils seront ici chez eux.

La « vallée oubliée », passage chaotique entre deux bergs du glacier

Jolis reliefs sur la banquise

Cela faisait quelques temps que je ne vous avais pas écrit… Mais il faut dire qu’il s’est passé beaucoup de choses ces dernières semaines. Je commence à reprendre un rythme de travail estival, j’ai donc beaucoup plus de travail, et moins de temps libre. Il y a eu aussi plusieurs sorties très intéressantes : un concours de « pêche scientifique », le comptage des phoques présents sur l’archipel, une balade sur le continent jusqu’à D10 (lieu de la piste d’atterrissage), le transpondage des bébés phoques…

La banquise par catabatique

Les stars du début de ce mois d’octobre étaient donc les phoques de Weddell. Pour répondre aux questions de certain(e)s, ici les bébés phoques ne sont pas blancs… Ils tirent sur le jaune à la naissance, puis deviennent rapidement gris. Ce sont les phoques du Groenland (au nord donc), qui ont des petits de couleur blanche (les blanchons).


Les phoques baillent souvent… S’ennuieraient-ils ?

Les bébés phoques grandissent à une vitesse folle… en même temps que leur mère fond ! Elle perd en effet 2 kg pour chaque kg gagné par leur petit… Nous avons la chance cette année d’avoir sur l’archipel une femelle qui a des jumeaux. Il est rare que deux petits puissent être élevés par leur mère jusqu’au sevrage… Les nôtres sont pour l’instant en plein forme, et nous croisons les doigts…

Weddell et sa maman, le père n’intervenant pas dans l’élevage du petit



Nos jumeaux, prénommés « Bonnie and Clyde »


Vous ne trouvez pas que ce phoque à une tête curieuse ? C’est parce qu’il s’agit d’un phoque crabier. Beaucoup moins sympa que le phoque de Weddell (il montre facilement les dents en grognant), il ne se reproduit pas sur l’archipel

Mais les phoques, les phoques… Cela ne va quand-même pas nous faire oublier les manchots empereurs ! Les poussins grandissent tranquillement… Ils sont toujours la proie des pétrels géants, et les plus petits n’ont pas survécus aux tempêtes de septembre-octobre. Dure la vie de poussin empereur ! La colonie change régulièrement de place, et le groupe est de moins en moins dense, les animaux s’espacent davantage. Il arrive maintenant que les deux parents soient tous les deux partis se nourrir, laissant leur poussin à la manchotière. Les trous de phoque permettent aux adultes d’éviter de faire des dizaines de kilomètres avant de regagner la mer. Il n’est donc pas rare de voir un groupe de manchots à côté de plusieurs phoques.


Après une tempête

Pétrel mangeant un poussin pendant une tempête…



Manchots et phoques utilisant le même trou dans la banquise

Et tous les « estivaux », partis avant l’hiver, que deviennent-ils ? Eh bien, depuis quelques jours ils arrivent, nos amis pétrels et Adélie… Les skuas sont déjà quelques uns à traîner autour de la manchotière, faisant peur aux poussins… Il faut dire qu’à l’inverse des pétrels géants, ils sont suffisamment légers et habiles pour venir se poser au milieu des poussins. Alors forcément, ils sèment la zizanie… Quelques fulmars planent déjà au-dessus de leur falaise. Un couple de damier du Cap occupe un nid dans les rochers. Quelques pétrels des neiges auraient été aperçus, mais ils se font pour le moment discrets. Enfin, les manchots Adélie sont de retour depuis quelques jours. Ils sont encore peu nombreux, mais leur effectif devrait augmenter de façon exponentielle dans les jours à venir. Les premiers arrivants sont amusants : tous seuls sur leur colonie, ils en profitent pour aller prendre tous les cailloux du coin et faire d’énormes nids. Hier, j’ai commencé à les entendre crier et ça m’a fait un drôle d’effet, comme une impression de déjà vu…

Les premiers Adélie de la saison, derrière la manchotière

Idée reçue n°14 : Il faut être fou pour vouloir hiverner, ne pas aimer les gens ou fuir quelque chose en France…

Ces questions, je les ai entendues plusieurs fois avant de partir… « Qu’est ce que tu fuis ? » « Tu détestes tant que ça les gens pour vouloir partir aussi loin de la société ? » La question étant en général accompagnée d’un regard suspicieux du genre : « Mais quel est ton problème ? ».

A quelques jours de la fin de l’hivernage, je peux vous garantir que pour hiverner, il faut encore plus qu’ailleurs aimer les gens. Si dans la vie « ordinaire », il est facile de vivre isolé, en ne voyant pas grand monde, ici c’est tout simplement impossible. Nos 25 camarades, nous les voyons tous les jours, pendant 1 an. On ne mange pas seul, on ne peut pas sortir seul (ou alors pas bien loin), même quand on se brosse les dents on n’est pas seul. Alors quelqu’un d’asocial serait très malheureux ici. Les hivernants sont pour la plupart des personnes très sociables, équilibrées et tolérantes. Nous avons une famille, des amis, certains sont mariés ou ont des enfants. Nous acceptons juste de mettre entre parenthèses notre vie « ordinaire » pendant un peu plus d’un an, pour vivre notre rêve.

Chacun a ses raisons pour venir ici. La plupart des VCAT (comme moi) viennent en premier lieu pour l’Antarctique, pour découvrir cet environnement extraordinaire. Certains en rêvent depuis des années.

D’autres viennent principalement pour l’expérience humaine. Certains pour le travail. Quelques rares personnes viennent pour des raisons financières. Mais une chose est sûre, celui qui vient pour fuir quelque chose risque de mal vivre son hivernage, et de retrouver ses problèmes en rentrant.

Enfin, cette idée reçue là, j’aurai du mal à la faire changer, car les personnes qui font ce genre de remarques ne sont pas celles qui s’intéressent suffisamment à l’Antarctique pour suivre ce blog !


9 commentaires:

  1. Bonjour Marion,

    Toujours autant d'informations très intéressantes,et bien structurées.
    De superbes photos, j'aime beaucoup celle de la "vallée oubliée", on dirait une image tirée des contes de Grimm...!!

    Je te souhaite de profiter au maximum de la fin de ton hivernage.

    Bisous et à bientôt

    Alain

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  2. Vous êtes vraiment une fille formidable !
    Je suis contente de vous connaître via ce blog du bout du monde.
    Bravo pour les informations, les photos, les impressions, la pédagogie, ...
    J'apprends plein de choses et je corrige quelques idées reçues... On aurait presque envie de vous rejoindre.
    Encore merci.

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  3. Mère de Marie!!
    bonjour marion!
    ton blog est toujours très interessant ,enfin des bonnes nouvelles avec de belles photos...
    vous deviez avoir un peu le cafard de partir d'ici car c'est une belle et précieuse expérience dans votre vie.
    encore merci de nous faire profiter
    amitiées mère de marie

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  4. Une pensée à vous et à l'équipage de l'hélicoptère... Benoit

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  5. Marion,

    Je t'envoie mon amicale pensée à partager avec tous les membres de la TA 60, suite à la tragédie qui vient de toucher DDU, et la communauté polaire
    Je t'embrasse amicalement

    Alain

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  6. bonjour marion
    bon courage pour cette douloureuse trajédie qui vient de toucher DDu et pour la suitede la fin de ton hivernage...
    nous pensons bien à vous tous
    amitiées mère de Marie

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  7. Bon courage à toi (et à vous tous) dans ce difficile moment.

    Les Raouls de la réunion

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  8. Les paroles ne suffisent pas à soulager la douleur, mais puissent la compréhension et la chaleur dégagées par ceux qui partagent votre deuil atténuer, ne serait-ce qu'un peu, la sensation d'impuissance causée par la perte de vos amis. Mes pensées se tournent aussi, inévitablement, vers les familles de ceux-ci. Nous sommes en métropole, tous très affectés et peinés de cette nouvelle. Recevez mes sincères condoléances avec toute ma compassion.
    Angélique Andro

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  9. De très nombreuses pensées volent vers la Terre Adélie, pour accompagner tous ceux qui sont si dûrement touchés, en France métropolitaine, comme en France outre-mer, par cette horrible tragédie. Je pense beaucoup à toi et à tous ceux qui aiment tant ce continent.
    Natacha

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