22 mai 2010

Nouvelles en vrac...

Depuis mon dernier message, rien de bien neuf.

La banquise commence à regeler. Je trépigne d’impatience à la pensée des longues sorties qui nous attendent… On se contente pour l’instant de balades à la manchotière ou vers Prud’homme, situé à 5 km de la base, ce qui est déjà agréable. Suite aux dernières chutes de neige, les raquettes étaient même de sortie.

Les jours n’en finissent plus de raccourcir. Nous perdons quotidiennement 8 minutes de lumière : le soleil se lève désormais vers 10h30 pour se coucher vers 14h30, nous laissant seulement 4h de jour… Il est si bas sur l’horizon qu’à midi, il arrive qu’on se demande s’il s’est levé, tant la lumière est faible… Forcément, avec une nuit si longue, on a l’impression qu’à 9h il est 6h, et qu’à 20h il est minuit. Avec tout ça, pas facile d’avoir un rythme de sommeil correct…

Un joli berg qui s’est déplacé dans la glace, étonnant, non ?

Couple d’empereurs dans le blizzard

Les empereurs continuent de pondre. Les femelles semblent toutes perturbées par la faible étendue de la banquise, et certaines restent de longues heures (voire une journée) au bout du Lion, à la limite de la glace, avant de se jeter à l’eau.

Femelles en pleine hésitation…

J’ai eu l’occasion de voir quelques passations d’œuf heureuses, ou malheureuses… En effet, certains manchots sont moins habiles que d’autres... Ainsi j’ai pu observer une femelle essayer de passer son œuf à son partenaire, en le faisant rouler par terre. Le malheureux n’a jamais réussi à le récupérer, soulevant les pieds comme s’il avait déjà un œuf, et essayant d’avancer sur l’œuf situé à terre. La femelle a repris l’œuf quelques minutes afin de le réchauffer, et a réessayé.

Peine perdue, pas plus de succès. Elle a fini par abandonner l’œuf, et son partenaire, pour rejoindre la tortue la plus proche. L’œuf est resté sur la banquise, finissant par être fissuré par le froid. En observant cette scène, nous étions tous tendus, à trépigner, « ça y est, il va y arriver ! », nous aurions tant aimé pouvoir l’aider ! Mais non, l’œuf a fini par rejoindre les dizaines d’autres qui gisent sur la banquise, encastrés dans la glace puis recouverts par la neige.

Couple avant le départ de la femelle en mer

Mâle resté seul pour incuber son œuf

Sinon je voulais vous parler un petit peu de la gestion des déchets sur la base. En effet, si en métropole le tri sélectif marche avec plus ou moins de succès, ici il est incontournable. Différentes poubelles sont donc à notre disposition :
- Papier/carton pour tout ce qui peut être brûlé sans polluer : un jour sur deux, l’ensemble des sacs de papiers et des cartons sont brûlés dans l’incinérateur entre 10h et 12h. Il y a donc les « jours feux », et les « jours sans feu », pour ne pas perturber les analyses d’air effectuées par le laboratoire de chimie de l’atmosphère. Les cendres sont ensuite renvoyées en Australie pour être traitées.
- Plastique : il est compressé et envoyé en Australie pour traitement. Gare au tri mal fait, les australiens ne plaisantent pas avec ça, et la note devient tout de suite plus salée…
- Aluminium
- Acier
- Piles
- Verre : non cassé seulement, sinon ça va dans composite. Et pas de porcelaine !
- Composite : pour les objets composés de différents matériaux non dissociables, l’électronique, ce qui ne va nulle part ailleurs…

Enfin, les restes de nourriture et les eaux grises sont broyés et jetés à la mer, l’impact environnemental étant moindre.

L’incinérateur

Mais attention, il s’agit d’éviter les pièges… Le tissu ça brûle, mais ça va dans composite, pas dans papier. Les canettes sont parfois en aluminium, parfois en acier, gare aux erreurs… Un aimant permet de faire la différence en cas d’hésitation. Tout le monde s’est un jour ou l’autre retrouvé devant l’alignement de poubelles, un déchet quelconque à la main, en pleine réflexion... Prenons un papier de papillote par exemple. « Ah, ça c’est de l’alu » « Non c’est du plastique ! » « Vous pensez pas que ça brûle ? ». Bref, chacun donne son avis et argumente, avant qu'en général quelqu'un aille interroger le chef technique... ce qui est plutôt drôle quand on y pense, pour un simple papier de papillote. Voilà, ici encore plus qu’ailleurs, on se rend compte que faire le tri sélectif, ça n’est pas si contraignant !

Idée reçue n°5 : En Antarctique, il fait toujours très froid.

Quand on pense « Antarctique », on pense froid polaire, blizzard, tempête de neige… Ce mot renvoie immédiatement à la notion de froid. Certes il n’y fait pas chaud, il serait absurde de le nier. L’altitude, l’isolement par le courant océanique circumpolaire antarctique et le pouvoir réfléchissant de la glace font de ce continent le plus froid de tous. C’est d’ailleurs sur ce continent que la température la plus basse a été enregistrée : -89,3°C à la base russe de Vostok.

A l’intérieur de l’inlandsis, il fait donc froid. La moyenne annuelle est par exemple de -20°C à 1000 m d’altitude, et de -55°C à Vostok (3500 m d’altitude).

En revanche, les températures sont plus « douces » sur la côte. Prenons l’exemple de DDU : la température moyenne annuelle tourne autour de -12°C, rien d’extraordinaire… Il n’est pas rare en été que le thermomètre franchisse la barre des 0°C. Cet été la température a même été positive durant 7 jours consécutifs, atteignant un maximum de +7.7°C. A cette température, en plein soleil, il est loin de faire froid… En été il n’était donc pas rare de voir ponctuellement des gens se promener en t-shirt, et il m’arrivait de temps en temps de sortir en simple pull. Certains se risquent même à de petites baignades…

Il faut cependant relativiser ces températures « élevées » en prenant en compte l’effet refroidissant du vent. Il souffle d’avantage sur la côte que dans l’intérieur du continent, avec fréquemment des rafales à plus de 100 km/h, de temps en temps des pointes à plus de 150 km/h, et un record à DDU de 320 km/h. Pour vous donner une idée, avec un vent de 60 km/h (ce qui est assez fréquent ici), quand il fait -1°C la température ressentie est tout de même de -20°C, et quand il fait -20°C elle est de -51°C.

En Antarctique il fait donc globalement froid, mais en été sur la côte il fait moins froid que dans certaines régions de France en hiver… Nous recevons parfois en décembre, des messages provenant de la métropole :
« Il a fait -15°C chez nous, mais c’est ridicule comparé aux températures que tu dois avoir ! »… Eh bien vous faites alors fausse route, en décembre, il fait rarement -15°C à DDU !
Zut, encore un mythe qui s’effondre… :)

1 commentaire:

  1. Que veux-tu, on a tous des mythes au logis difficiles à contourner... Et certains visiteurs polaires en rajoutent une couche à leur retour, plus particulièrement lorsqu'ils sont journalistes : leur compte rendu doit en faire des héros, et un polaire en tee-shirt n'est pas héroïque. D'où des annonces de - 40° en décembre et de blizzards furieux en janvier. Même quand ils ne sont pas marseillais, ils galègent !
    Prends bien soin de toi quand même...
    Bizzz
    Roger

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