Copulation d’empereurs
Couple d’empereurs en « face à face »
La manchotière devient donc calme, car une fois les couples formés, c’est le silence jusqu’à la ponte. En effet, quand les empereurs sont en couple, lorsque le mâle continue de chanter, sa femelle lui donne des coups de becs ; car le chant attire les femelles restées célibataires et elles viennent faire la cour au mâle chanteur (les femelles étant 10% plus nombreuses que les mâles). L’ensemble aboutit souvent à une séparation du couple, et à un échec de reproduction.
Empereur s’apprêtant à chanter (celui de droite)
La densité en empereurs est grande par endroit
Pour pondre, le couple s’isole du groupe. Dès que l’œuf est pondu, la femelle le met sur ses pattes, il est protégé par sa poche incubatrice, bourrelet de peau situé en bas de l’abdomen. Elle passe ensuite rapidement l’œuf au mâle, et moins de 4 heures après la ponte, elle quitte la colonie pour aller se nourrir en mer, durant environ 2 mois.
Avant le départ de la femelle, les couples se remettent à chanter, ce qui les aide à bien mémoriser le chant de leur partenaire. Les mâles vont ensuite assurer seuls l’essentiel de l’incubation, qui dure 60 à 65 jours. Les femelles ne reviendront qu’aux alentours des éclosions. Les mâles empereurs jeûnent donc entre 90 et 130 jours (de leur arrivée sur la colonie au voyage alimentaire qui suit le retour de la femelle), et passent de 35-45 kg en début de saison à près de 25 kg au retour de la femelle.
Détail du cou d’un empereur
Certains d’entre vous m’ont demandé ce que voulait dire « catabatique ».
Il s’agit d’un vent froid et fort, qui dévale les pentes du continent.
Il est difficile à prévoir, les météos pouvant seulement prévoir les journées « à risque de catabatique ». Quand à savoir si le catabatique se déclenchera ou non… c’est la surprise ! On le voit parfois arriver du continent, soulevant des tourbillons de neige sur son passage. En quelques minutes il peut être sur la base, souffler à plus de 100 km/h, soulever de la neige et rendre la visibilité quasiment nulle. Et d’un seul coup, c’est fini, le ciel bleu est de nouveau visible et le vent a disparu. Etrange, ce catabatique !
Etrange soulèvement de glace au milieu de la banquise
Notre banquise peine toujours à s’étendre. Les fréquents coups de vent rendent les polynies (zones d’eau libre au milieu de la banquise) très proches, au large du Lion. Le mauvais temps de ces derniers jours a encore rapproché la polynie de la base... Le glacier s’effondre de temps en temps, fragilisant la bande de banquise qui le borde. Les longues sorties à la journée ne sont pas pour tout de suite… Tant pis, nous en profitons pour passer du temps à observer les empereurs !
La base vue du Nunatak
Je réalise que j’avais omis de vous parler d’un évènement important, qui a eu lieu début février, mais qui est toujours d’actualité. Il s’agit de la rupture de la langue du glacier du Mertz (situé à environ 200 km à l’est de DDU). En effet, toute une zone du glacier s’avançant vers la mer a été percutée début février par l’énorme iceberg B-9B. Ceci a entraîné fin février le détachement d’un morceau du glacier, de 78 km de long et 39 km de large. Ce gigantesque iceberg de 2500 km² (la taille du Luxembourg) a été nommé C-28 et se déplace maintenant au large des côtes antarctiques. Il est maintenant situé à peu près à notre niveau, mais un peu trop loin pour qu’on puisse le voir de l’altitude où est située la base. Cet évènement risque de modifier considérablement l’écosystème marin de cette zone, en changeant l’étendue et la localisation de certaines polynies permanentes, qui jouent un rôle dans la circulation de l’eau de mer.
Après 6 mois passés ici, et plus de 2 mois d’hivernage, l’heure est au bilan. Depuis mon arrivée ici fin octobre, il s’en est passé des choses.
J’ai rencontré beaucoup de gens. J’ai découvert de nombreux animaux, appris énormément sur un monde qui m’était inconnu, arpenté la banquise… J’ai compris des subtilités de la vie en collectivité, essayé de réfléchir un peu plus avant de parler … Une chose est sûre, je ne me suis à aucun moment ennuyée, et je n’ai pas une seule seconde regretté d’être ici. Même si, forcément, il y a des hauts et des bas. Des moments où les tropiques, les copains, la famille, des tas de choses me manquent. Mais cette expérience est si extraordinaire que les hauts l’emportent largement sur les bas. J’ai longtemps rêvé la nuit que je ne pouvais pas hiverner à cause d’un problème quelconque. Mais c’est fini, la nuit je rêve de plus en plus de la vie ici, et de moins en moins de ma vie d’avant.
Au moment où je vous écris, je suis blottie dans mon lit, le vent souffle à plus de 100 km/h et fait trembler ma chambre. Demain j’irai voir les empereurs, je resterai à les observer jusqu’à ce que le froid devienne trop piquant. Je regarderai le soleil se coucher sur les bergs, puis je rentrerai au chaud, retrouver les autres hivernants autour d’un thé. On discutera de la vie de la base, on sortira peut-être le soir observer une aurore, et on s’endormira sur une des terres les plus extraordinaires qui soit.
Alors oui, 6 mois ont passé, seulement 9 petits mois me séparent du retour, mais ceci représente encore un paquet de balades, couchers de soleil, sorties sur le terrain et soirées animées. Que la fête continue !
Lever de lune sur la manchotière
Idée reçue n°3 : l’Antarctique, c’est la banquise.
Cette idée reçue provient encore une fois de la confusion avec ce qui se passe au nord, en Arctique. En effet, l’Antarctique est bel et bien un continent, entouré par l’Océan Austral. Sa surface est d’environ 12,5 millions de km², et la roche apparente ne représente que 2% de cette surface. Ce continent est recouvert de glace, appelée inlandsis, qui lui confère au total une superficie de 14 millions de km². Bon, ces chiffres ne parlent pas à grand monde, alors disons que cela représente 26 fois la superficie de la France métropolitaine.
Il s’agit du continent le plus élevé du monde, avec une altitude moyenne d’environ 2,3 km. La chaîne de montagne Transantarctique, d’environ 3000 km de long, délimite les parties ouest et est de l’inlandsis.
L’inlandsis se prolonge dans certains secteurs par d’immenses plateformes (ice-shelf) qui s’étalent et flottent sur l’Océan Austral.
Les 3 plus importantes sont celles d'Amery, de Ronne et de Ross, dont la superficie est voisine de celle de la France. Les ice-shelves se fragmentent parfois en blocs, qui constituent des icebergs tabulaires, parfois gigantesques. Dans la péninsule Antarctique, région la plus au nord du continent et quasiment seule partie s’étendant au-delà du cercle polaire, se trouvent la plupart des zones non glacées du continent.
L’épaisseur moyenne de l’inlandsis est de 1300 m en Antarctique de l’ouest, et 2200 m à l’est. Son épaisseur maximale approche les 5000 m, la base étant alors à plus de 2500 m sous le niveau de la mer. Les chutes de neige sont surtout importantes sur les zones côtières, les précipitations du continent étant inférieures de moitié à celles reçues par les déserts les plus arides. La neige s’accumule tous les ans, se transforme en glace compacte, qui va sous l’effet de la gravité glisser du centre de la calotte vers la périphérie du continent. Au centre de l’inlandsis, ces déplacements ne sont que de quelques dizaines de centimètres par an, mais ils peuvent atteindre la centaine de mètres par an pour les grands glaciers côtiers.
Chaque hiver, l’océan situé autour du continent gèle, constituant une banquise temporaire de 40 à 60 cm d’épaisseur moyenne, qui ne sera totalement disloquée qu’en février, à la fin de l’été austral. L’eau de mer commence à geler en surface à partir de -1.8°C. Au maximum de son extension en septembre, la surface de la banquise double la surface englacée de l’hémisphère sud.
Voilà, donc l’Antarctique est entouré de banquise temporaire, mais c’est avant tout un continent !
Pour ceux qui me demandent si je n’ai pas trop froid, voilà la preuve que nous sommes bien équipés…
Marion,
RépondreSupprimerMerci de continuer à toujours surprendre tes lecteurs.
Tu commences par une description sur la vie des "Empereurs", tu passes ensuite très rapidement sur ce qui pourrait être un petit coup de blues, mais qui se transforme en un texte très poétique sur le bilan de ta vie depuis ton arrivée en Antarctique, pour continuer sur un cours de géographie polaire très didactique..!!
Super continue a nous faire rêver
Je t'embrasse
Alain
Bonjour ,
RépondreSupprimerVous ne me connaissez pas mais sachez que je suis votre aventure depuis le début et que je me passionne pour elle. Et surtout j'apprécie très fort vos talents de reporter, de photographe, d'enseignante, et de femme qui vibre à tout ce qui l'entoure.
Un grand merci de nous faire partager tout cela.
Du coup, j'en ai fait profiter mes collègues lors d'une réunion de travail (je suis directrice d'un établissement pour personnes handicapées).
Je souscris tout à fait au message ci-dessus. Pour finir, je n'ose pas vous embrasser, mais le coeur y est et ma sympathie est grande.
Bien cordialement,
Sylvie Paulais
Saint-Michel-sur-Orge (Essonne)
Le temps semble passer très rapidement, je n'ai pas non plus l'impression de suivre tes aventures à distance depuis six mois.
RépondreSupprimerComme à chaque fois, les photos sont splendides et le texte est très intéressant.
C'est vraiment très agréable de pouvoir partager ça.
Merci et profite bien.
Madeline
veronimo mère de marie.
RépondreSupprimerton article est très intérèssant,avec de belles photos manchots d'empereurs en couples.
continue comme cela ànous faire rêver.
profite en toujours autant car dans votre vie vous aurez beaucoup de souvenirs dans un merveilleux paradis ,merci encore pour cet article.amitiées mére de marie