28 avr. 2010

Les empereurs au complet !

Voilà un petit moment que je ne vous ai pas écrit… Je ne vous oublie pas pour autant ! C’est juste que parfois nous sommes pris dans le quotidien, les journées passent à toute vitesse et nous ne nous rendons pas compte que cela fait une semaine, deux semaines… 60 jours maintenant que l’hivernage a commencé !

Rattrapons donc ce retard… Depuis la dernière fois, il y eut de magnifiques aurores. Maintenant, je deviens presque difficile, pour les « petites » aurores, je ne cours plus systématiquement dehors, j’attends de voir comment cela évolue. Il y eut également des soirées festives, du blizzard, des travaux d’aménagement sur la base, de longues heures passées sur la manchotière à observer les empereurs, d’inoubliables balades, l’observation de quelques pétrels des neiges de passage sur l’île pour quelques jours, le départ de jeunes pétrels géants restés si longtemps posés sur la banquise sans réussir à voler que nous craignions pour leur survie, le début de mon programme d’hiver, de splendides couchers de soleil…

La base et le Lidar lors d’une aurore

Traces de pétrel géant (papa appréciera la moufle qui sert d’échelle :))

Coucher de soleil sur la Croix Prud’homme

Nous avons dernièrement bénéficié de magnifiques journées ensoleillées, nous permettant de faire de longues balades sur la banquise. Je retrouve avec plaisir les sensations découvertes en novembre. La banquise qui s’étend à perte de vue… Une grande étendue plate, blanche, avec quelques bergs qui semblent posés ici et là, et parfois d’étranges sculptures de glace. Curieusement, j’ai l’impression de voir ces paysages pour la première fois. Ce ne sont pas les mêmes bergs que l’année dernière : les couleurs, les formes sont différentes, ils ne sont pas situés au même endroit… Je ne reconnais rien ! Et de fait, d’une année à l’autre, le continent reste à la même place, les îles aussi, mais pour le reste, tout change !

Photo prise de l’île Gouverneur

On croirait des dunes de sable…

La manchotière est en ce moment située tout près de l’île des Pétrels, au niveau de la Pointe Noire. Simple alors d’aller voir les empereurs ! Quand il fait mauvais temps, nous ne sommes pas obligés de nous risquer sur la banquise et nous pouvons les observer en toute sécurité du bord de l’île.

La manchotière

Les manchots sont donc tous arrivés sur l’archipel, par petites ou grandes colonnes. Equipés de réserves de graisse (en début de saison les mâles pèsent 35 à 45 kg, et les femelles 30 à 35 kg), ils sont prêts à se reproduire en plein cœur de l’hiver austral, dans les pires conditions qui soient. Ils sont selon le dernier comptage de Marie un peu plus de 6100 individus, et sont actuellement en train de se mettre en couple.


Il y a davantage de femelles empereurs que de mâles, c’est donc à elles de se débrouiller pour dénicher un partenaire. Lors de la parade, qui dure une quarantaine de jours, les animaux chantent pour se trouver un conjoint. Cela permet de les reconnaître, car les mâles ont un chant plus grave, lent, et les femelles un chant plus aigu et rapide.

Lorsqu’ils se mettent en couple, ils continuent à chanter dans les premiers instants, puis deviennent silencieux. La fidélité d’une année à l’autre est très faible (autour de 15%), car les empereurs se reproduisant sur la glace, l’emplacement exact de la manchotière varie au cours de la saison et d’une année à l’autre. Sans nid fixe, difficile de retrouver son partenaire d’une année à l’autre, au milieu des milliers d’animaux présents…


De fin avril à début mai, place aux copulations. Les premiers œufs seront bientôt pondus. Pour mon programme d’hiver, je passe en ce moment beaucoup de temps sur la manchotière, cela me permet d’observer ces placides oiseaux, qui se comportent bien différemment des Adélie !

Les empereurs sont pratiquement tous en couple

Je vais maintenant continuer ma petite chronique…

Idée reçue n°2 : l’Antarctique, c’est dangereux.

Bon, là je vais sans doute rassurer les parents des hivernants. Non, l’Antarctique, tel que nous y vivons aujourd’hui, n’est pas dangereux. Certes, à une époque, ça l’était sans doute davantage, et je ne vous parle pas non plus des personnes qui font des expéditions à ski sur le continent. Je vous parle uniquement du quotidien ici, sur la base de Dumont d’Urville. La vie y est, à mon sens, ni plus ni moins dangereuse que la vie en métropole. Chacun est conscient des risques de la banquise et des contraintes liées à l’isolement, et tout est mis en œuvre pour assurer la sécurité de tous. Par exemple les sorties banquise sont soumises au respect d’un protocole strict. Nous pouvons aller sur la manchotière ou sur la piste du Lion seul, mais dès que l’on s’en éloigne, il faut être au moins 2, et au moins 3 en dehors du « périmètre de sécurité ». Lors de toute sortie sur la banquise, il faut être muni d’une radio allumée (et d’une radio de secours éteinte) et annoncer à la radio son départ, ainsi que son retour. Il faut également avoir dans un sac une corde, une trousse de secours, un GPS, des piles de rechange et des habits de rechange dans des sacs étanches. En général nous prenons également un bâton pour sonder les zones douteuses. Avant toute sortie, il faut se renseigner sur les conditions météo (s’il y a un risque de catabatique, on ne sort pas loin). Il est interdit de s’approcher du glacier ou des bergs, et de sortir sur la banquise de nuit. Chacun a reçu une formation aux premiers secours. Les zones de banquise autorisées sont préalablement sondées pour vérifier que l’épaisseur de glace est suffisante. L’IPEV nous a dotés d’un bon équipement nous permettant de supporter les températures hivernales. Bref, tout est organisé au mieux pour notre sécurité. En cas de pépin, la base est dotée d’un hôpital (cabinet dentaire, salle de chirurgie, appareil de radiologie, analyseurs…). Le médecin a formé une équipe médicale (dont je fais partie) pour l’assister en cas de chirurgie (aide à l’anesthésie, à la chirurgie, aux soins infirmiers), et une équipe « rescue » capable de ramener un blessé à la base dans les meilleures conditions. Alors, vous voyez qu’on est en sécurité ici :)!

Rivière, parfois recouverte de neige, que le bâton de marche sert à repérer

Pour finir, voici quelques photos de jolis glaçons :




4 commentaires:

  1. Au fait, nous aussi on a du soleil hein, il n'y a pas que toi ;-) Mais par contre ça semble se gâter...

    Ca veut dire quoi "catabatique" ?

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  2. Merci Marion pour la narration de la suite de tes aventures polaires, et de rappeler de façon très didactique, les précautions prises pour toutes sorties à l'extérieur de la base.
    Il ne faut pas oublier que votre hivernage c'est encore une belle aventure qui ne doit pas laisser place à l'improvisation...!!!
    Tes photos, c'est un peu comme si nous étions au théatre, les décors changent régulièrement, et l'on ne s'ennuie pas à la lecture de ton blog.
    A bientôt le plaisir de lire le prochain épisode

    Bises

    Alain

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  3. Coucou!!
    Je préfère te donner des news sur ton blog que par mail maintenant!! Bon, alors pour nous ça va. Tjs pas de boulot mais on y croit. La semaine dernière il a fait très beau en Auvergne mais cette semaine nous sommes... sous la neige! et oui, même nous, on a du mal à comprendre. On espère que tout va tjs assi bien pour toi. Gros bisous des bougnats!

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  4. C'est vraiment un beau récit et surtout une magnifique expérience!

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