29 mai 2010

Visite de la base

Nous avançons toujours davantage dans l’hiver. Les températures tournent désormais autour de -20°C, la luminosité est réduite, des congères se forment régulièrement un peu partout. Il arrive que l’on ne voit pas le soleil de la journée, quand il y a des nuages.

Le soleil semble sur le point de se coucher, et il n’est que 13h30 !

Les mâles empereurs continuent d’incuber, se regroupant en tortues.
Quelques femelles pondent encore, mais la plupart sont déjà parties en mer.

Couple et son œuf, dans le soleil couchant

De nombreux œufs perdus jonchent le sol


Les 2 derniers poussins pétrels géants ont enfin appris à voler et semblent partis. De temps à autre, nous croisons un ou plusieurs pétrels antarctiques, visiteurs occasionnels ressemblant aux damiers du Cap. Quelques pétrels des neiges errent autour de la base, nous finissons par nous demander s’ils vont un jour quitter l’île.

Pétrel antarctique

Les quelques heures de jour nous permettent de réaliser encore de bien belles balades. Les préparatifs de la mid-winter se mettent tout doucement en place. Nous commençons à monter une pièce de théâtre de Feydeau, je m’exerce au piano, au jonglage…

Lever de lune sur le glacier

Intérieur d’une crevasse

Je vais aujourd’hui vous présenter un peu plus en détail la base de Dumont d’Urville. Il serait temps, me direz-vous ! Alors, sur la photo ci-dessous, nous pouvons observer les bâtiments suivants :

La base vue du haut du mât iono

- 1 : le dortoir des hivernants, appelé également « 42 ». Bâtiment à un étage, équipé de 2 salles de bains et de 4 sanitaires, contenant également le bureau de la DisTA et tenant accessoirement lieu de « coop » (le seul «magasin» de la base). L’ambiance y est toujours calme, car à n’importe quel moment de la journée quelqu’un est susceptible d’y dormir (le boulanger, celui qui était de quart de nuit à la centrale…) ;
- 2 : le séjour, lieu de vie central de la base. On y trouve la cuisine et l’office, une buanderie, le local poubelle, des sanitaires, une salle à manger avec bar, une salle vidéo et une salle de loisir (avec bibliothèque, billard, babyfoot et jeu de fléchettes). Deux sas permettent d’enlever tout son équipement contre le froid pour être à l’aise. Certains y adoptent même les charentaises. C’est un lieu agréable où quelle que soit l’heure de la journée ou de la nuit, on trouve quelqu’un pour prendre un café et discuter ;
- 3 : le bâtiment « Géophy » abrite les bureaux de l’informaticien (« le Géophy »), du « sismo-magn » et du « lidar », ainsi que le local de la radio Skuarock, le labo photo et la salle musique ;
- 4 : ce bâtiment contient le BT (bureau technique), le bureau et l’atelier météo, la salle de sport ;
- 5 : l’abri météo, c’est ici que le ballon de radiosondage est gonflé chaque matin ;
- 6 : le Lidar, d’où le laser vert dont je vous ai déjà parlé est tiré lors des nuits sans nuages ;
- 7 : le garage et la menuiserie ;
- 8 : le magasin général (MG) où sont stockés divers équipements ;
- 9 : le laboratoire de glaciologie et chimie de l’atmosphère, lieu de travail des deux « glacio » ;
- 10 : la gérance postale (GP) et le bureau des télécommunications ;
- 11 et 12 : les deux frigos, respectivement « -20 » et « +4 » ;
- Caché derrière le 12 : la centrale, qui fournit la base en électricité et eau potable ;
- 13 : le siporex, qui est l’atelier du mécanicien de précision, du plombier et de l’électricien ;
- 14 : Biomar, le lieu de travail des biologistes ;
- 15 : le hangar du Lion. La piste du Lion est séparée de l’île des pétrels par un chenal. Cette piste avait à l’origine été construite pour servir de piste d’atterrissage pour des avions. Aucun avion ne s’y est jamais posé. Elle est source de polémique car beaucoup estiment qu’elle n’aurait jamais dû être réalisée, l’impact sur le paysage et l’écosystème étant trop important. Le hangar permet durant l’hiver de stocker les engins qui servent  l’été. Pendant l’été, il sert de lieu de stockage et de travail pour différentes activités techniques ;
- 16 : les caves sismo et abris magn. Dans cette zone sont réalisées les mesures de magnétisme et d’activité sismique.

D’autres bâtiments un peu excentrés ne figurent pas sur cette photo :
- L’abri côtier : à partir de Biomar, en continuant la passerelle, on arrive à l’abri côtier, qui borde le chenal du Lion. Il sert à entreposer le matériel en lien avec l’activité estivale du sea-truck, ainsi que le matériel de plongée ;
- Le dortoir été : en s’éloignant de la base vers le bas de la photo, en suivant un chemin de corde dans les cailloux, on finit par arriver au dortoir été. Il permet en été de loger une partie des campagnards d’été.
En hiver, il est fermé ;
- Le mât iono : proche du dortoir été, ce mât de plus de 70 mètres de haut servait jadis à des activités scientifiques d’étude de la ionosphère. Désormais, il fait tache dans le paysage. Seuls quelques hivernants sont autorisés à y monter pour des motifs professionnels ;
- Le hangar bleu : il héberge certaines activités techniques pendant l’été, et sert essentiellement de lieu de stockage en hiver ;
- La base Marret : petit chalet très mignon, lieu historique où ont hiverné les 7 membres de la TA5 ;
- Le hall fusée : il servait jadis de lieu de lancement de « fusées » utilisées pour des études de l’atmosphère. Actuellement il sert de lieu de stockage, et abrite également des pompes de prélèvement d’air (mesures en chimie de l’atmosphère).

Enfin, de petits shelters disséminés sur l’île servent à entreposer divers matériels, où à réaliser des mesures.

Idée reçue n°6 : les pingouins habitent en Antarctique.

Bon, là je ne vous apprends en théorie pas grand-chose, mais je ne pouvais pas continuer plus en avant sans rappeler LA grande idée reçue sur l’Antarctique. A ceux qui n’ont pas suivi ce blog depuis le début, ce paragraphe apprendra peut-être quelque chose. Pour les autres, une piqûre de rappel n’est pas forcément inutile… Je vous invite donc à jeter un œil au billet du 18 octobre dans lequel je détaille les différences entre les manchots et les pingouins, et les origines de la confusion… Donc en résumé, en Antarctique habitent les manchots, les pingouins vivent eux dans l’hémisphère nord.

Tous les manchots n’habitent cependant pas en Antarctique, seules 4 espèces se reproduisent sur ses côtes. Le manchot empereur (Aptenodytes forsteri) et le manchot Adélie (Pygoscelis adeliae), ça vous le saviez.
Ils se reproduisent sur tout le pourtour du continent, ainsi que sur certaines îles antarctiques. Le manchot papou (Pygoscelis papua) et le manchot jugulaire (Pygoscelis antarctica) en revanche se cantonnent à la péninsule antarctique (et aux îles antarctiques). Le manchot macaroni (Eudyptes chrysolophus) peut occasionnellement se reproduire en péninsule antarctique.

13 espèces et 2 sous-espèces de manchots peuplent les îles subantarctiques, îles antarctiques, côtes de l’Amérique du sud, de l’Afrique, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande :
- Les « manchots à crête » (genre Eudyptes) : gorfou sauteur (Eudyptes chrysocome, présents sur de nombreuses îles subantarctiques de l’Océan Indien et Atlantique), gorfou sauteur nordique (Eudyptes chrysocome moseleyi, Tristan da Cunha et Gough, Amsterdam, Saint-Paul) gorfou de Schlegel ou gorfou royal (Eudyptes schlegeli, île Macquarie), gorfou macaroni (Crozet, Kerguelen, îles Shetland sud, îles Falkland, Georgie du Sud, Sandwich sud, Orkney sud…), gorfou des îles Snares (Eudyptes robustus, îles Snares), gorfou de Victoria (Eudyptes pachyrhynchus, Nouvelle-Zélande et îles avoisinantes), gorfou de Sclater (Eudyptes sclateri, Bounty et Antipodes) ;
- Les « manchots nordiques » : manchot du Cap (Spheniscus demersus, côtes Namibiennes et sud-africaines), manchot de Magellan (Spheniscus magellanicus, Chili, Argentine, îles avoisinantes, îles Falkland), petit manchot bleu (Eudyptula minor, côtes et îles avoisinants le sud de l’Australie, la Tasmanie, Nouvelle-Zélande, Stewart et Chatham), manchot à nageoires blanches (Eudyptula minor albosignata, sud de la Nouvelle-Zélande) manchot des antipodes (Megadyptes antipodes, sud de la Nouvelle-Zélande et îles avoisinantes) ;
- Le manchot Royal, seconde espèce la plus grande, du genre Aptenodytes tout comme le manchot empereur (Aptenodytes patagonicus, îles du Prince Edward, Crozet, Kerguelen, Heard, Macquarie, Falklands, Georgie du Sud, Sandwich sud).

Enfin, 2 espèces ne se reproduisent pas en milieu antarctique ou subantarctique :
- Le manchot de Humboldt (Spheniscus humboldti, côte ouest de l’Amérique du sud, du Pérou au 35e parallèle environ) ;
- Le manchot des Galapagos (Spheniscus mendiculus, îles Galapagos).

En 2007, les seules espèces de manchots antarctiques et subantarctiques ne figurant pas en liste rouge de l’UICN étaient le manchot royal, le manchot empereur, le manchot Adélie, le manchot jugulaire et le petit manchot bleu. Toutes les autres espèces sont considérées comme pratiquement menacées, vulnérables ou en danger d'extinction.

Ceux qui désirent en savoir plus pourront consulter l’ouvrage suivant : « A complete guide to Antarctic Wildlife » (Adoram Shirihai), véritable mine d’informations.

Magnifique halo autour de la lune, sur le Cervin et le mont Rose, on aperçoit la base sur la gauche

5 commentaires:

  1. La photo montrant le magnifique halo est vraiment magnifique ! A quelle heure l'as tu prise?

    Philippe

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  2. La photo a été prise vers 23h, mais le halo était visible dès le début de soirée...

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  3. Encore de superbes descriptions et de magnifiques photos en couleur...bientôt nous aurons droit au noir & blanc..!!!!
    Merci et bon courage
    Bises
    Alain

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  4. Nous avions suivi le blog de Monsieur Météo lors du dernier hivernage, le votre, basé sur le faune, nous offre un autre aspect de la vie à DDU.
    Trés intéressant également votre visite des lieux
    Bon hiver
    Isabelle

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